En plein cœur de La Défense à Paris, le designer Oscar Lucien Ono, fondateur du studio de haute décoration Maison Numéro 20, livre l’hôtel le Nest by MGallery. Une bulle joyeuse et colorée, dissimulée sous la façade de béton et verre moderne de l’un des immenses buildings du quartier d’affaires. Une réinterprétation des codes du mouvement italien Memphis. Récit.
« Nous sommes partis d’une page blanche », raconte Oscar Lucien Ono. La rénovation totale de l’ancien hôtel Sofitel Paris La Défense. Le décorateur, pour qui casser les codes est un principe, explique : C’est en oubliant le bon sens [pour un temps, bien sûr !], qu’un projet devient créatif. Et à déambuler du lobby aux 151 chambres et suites, en passant par le restaurant, le plaisir de créer justement l’art subtil du décalage, et une maîtrise incroyable des couleurs, des motifs et des matières, imprègnent tous les espaces !
Pourquoi Memphis, ce mouvement italien né à l’orée dans les années 1980 sous l’influence de designers tels Ettore Sottsass, et dont les graphismes, les tonalités vives et la liberté formelle sont si caractéristiques ? La Défense est une « jungle urbaine », uniforme, grise, très bétonnée, un quartier d’affaires comme il en existe des milliers. « Pour moi, l’esprit de ce mouvement consistait précisément à aller à l’encontre de la morosité ambiante d’une partie du design de cette époque, d’une approche un peu stéréotypée, poursuit-il. D’où ce choix de référence. Cela, et la dimension ludique, qu’il me paraissait important de recréer dans ce contexte ».
Ainsi, le créateur et son équipe se sont appliqués à façonner un cocon insoupçonné, une bulle. Partout, ils se sont attachés à multiplier, avec beaucoup de subtilités les jeux de matières et de textures, précieuses et brutes, de couleurs dynamiques et de motifs, du sol au plafond, comme si la décoration venait arrondir les angles de la rigueur du quartier. À l’entrée, des colonnades rendent hommage aux Totems de Sottsass, comme une superposition de grosses perles de marbre, soulignées de laiton, de disques unis ou rayés, distribuant l’espace, et répondant joyeusement au graphisme des moquettes dessinées sur mesure, comme la quasi-intégralité des agencements et des mobiliers.
Nous nous sommes beaucoup amusés à faire cet hôtel, à raconter une histoire avec un vrai parti pris design. Il faut un petit grain de folie pour réussir un projet.
Les chambres, quant à elles, sont imaginées dans des boîtes en bois. Là, le terracotta et le vieux rose, des couleurs « dynamiques, mais en même temps profondes et posées » dominent, pour mieux donner un ressenti chromatique milanais. Ici, le décorateur déploie tout son art, dans les combinaisons de cercles, de demi-cercles, tant dans le dessin des miroirs que dans les formes colorées au sol, qui répondent aux motifs façon Keith Haring, subtilement relevés par les coussins Hermès, et les jeux de marqueterie abstraites sur les portes de placard. Dans les salles de bains, il ose le jaune pop. Des choix audacieux, extravagants, qui créent un ensemble ludique, élégant, et d’une absolue cohérence.
Dans le restaurant, plutôt dans les tons verts, il retourne la notion de cadrage sur le paysage. C’est l’oasis. Un jardin stylisé et luxuriant qui cadre, à travers la grande verrière, la régularité austère du paysage urbain. Et Lucien Oscar Ono de conclure : « Nous nous sommes beaucoup amusés à faire cet hôtel, à raconter une histoire avec un vrai parti pris design. Il faut un petit grain de folie pour réussir un projet ». Ici la graine s’épanouit dans une sophistication joyeuse, d’une grande originalité !