Certaines maisons sont comme des fenêtres ouvertes sur un autre univers. Cette villa à flanc de colline en fait partie. Connectée directement à la créativité et à la personnalité solaire de l’architecte d’intérieur autodidacte Muriel Ughetto, elle figure un art de vivre unique, où les volumes sont libres d’interpréter leur propre vision d’un quotidien réinventé.
Loin des demeures traditionnelles qui s’épanouissent sur les hauteurs de Cannes dans le style néo-provençal, cette figure linéaire comme esquissée d’un seul trait assoit sa démarche fusionnelle avec son belvédère naturel plongeant dans la grande bleue. C’est le terrain d’expression de Muriel Ughetto, azuréenne d’adoption depuis plus de vingt ans, un projet familial, dessiné d’un bout à l’autre.
Dans ses nombreuses vies, toutes gravitant dans l’univers de la décoration, du design et du graphisme, cette artiste à la créativité fertile, a toujours osé en sortant des sentiers battus. Au rendez-vous pour participer dans les années 1990 à l’émergence de l’hôtellerie de charme, pour Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic ou encore Relais & Châteaux. Muriel se souvient : Dès l’âge de 23 ans, j’ai commencé à créer des objets, une collection de luminaires et de textiles, empreints d’authenticité. Mais également des gammes de produits senteurs et bains, qui m’ont conduite dans ce monde de l’hôtellerie. En Provence et sur la Côte d’Azur, c’était le début d’un changement profond, passant du bleu-jaune aux matières naturelles. Ces personnalités avaient une autre démarche, favorisant d’autres manières de recevoir, tout en mélangeant les styles.
L’architecture contemporaine ne pardonne rien. Il faut que le dessin soit précis et incisif.
De fil en aiguille, la décoration prend le dessus, avec des chantiers pour le Groupe Partouche, le Club Med… jusqu’à la scénographie événementielle. En parallèle, Muriel s’amuse à ennoblir le textile, version haute couture, révélant les savoir-faire de la broderie, de la plumasserie, de la dentelle, etc. Naît une collection qui n’est pas passée inaperçue sur le salon Maison&Objet.
Aujourd’hui, Muriel poursuit sa quête à Mougins avec son propre atelier de création et de fabrication, confectionnant des pièces lumineuses, au contact de savoir-faire et de compétences issues de manufactures françaises. Somme toute une femme d’action, de passion – qui plus est ne manquant pas d’humour. En 2013, elle s’est lancée corps et âme dans ce projet personnel, sa parenthèse enchantée. J’ai assumé cette réalisation en totalité, confirme Muriel. Comme tous les projets, je voulais qu’il soit réfléchi, abouti. L’architecture contemporaine ne pardonne rien. Il faut que le dessin soit précis et incisif. Cela permet de trouver des solutions très intéressantes. Avec un sourire aux lèvres : Je suis très exigeante, confie-t-elle. Le défi est lancé, conforté par les architectes des bâtiments de France.
Son secret ? La maison épouse totalement la colline grâce notamment à cette architecture transparente en béton gris foncé, qui se fond littéralement dans le paysage. Puisque avant tout, c’est la végétation qui doit dominer. Comme la lumière ou les ombres, elle fait partie de la matière conceptuelle. Le projet enchaîne les prouesses. Tout d’abord le terrassement, volontairement décollé en façade nord, pour bénéficier d’une double exposition et laisser le panorama traverser la maison.
Pour Muriel, une évidence. Il y a la vue mer, bien sûr. Mais dans cette région tant exposée aux rayons du soleil, il est impératif de se tourner, dans notre quotidien, vers une lumière moins criarde, plus douce. Telles les maisons californiennes, deux niveaux émergent avec leur propre identité, tout en formes graphiques fusant sur soixante mètres linéaires. Interconnectés aux volumes intérieurs en enfilade, les terrasses et le jardin dialoguent sans retenue à travers les baies vitrées panoramiques à galandage. Une complicité vitale pour Muriel, qui prend tout son sens dans la cuisine avec des surfaces vitrées de 18 m² totalement escamotables ! Aucune frontière. Reliant ces deux styles de vie – l’hiver en surplomb, l’été en phase avec la piscine : l’escalier. Si toutefois on peut le nommer ainsi !
La végétation doit dominer. Comme la lumière ou les ombres, elle fait partie de la matière conceptuelle.
Mais comment ce « vortex » est-il né ? C’est le poumon de la maison, souligne Muriel. L’escalier est un élément tellement important, qui frôle parfois le chef-d’œuvre. Il était essentiel pour moi qu’il soit au centre des considérations. Hélicoïdal, assurément, pour libérer un maximum d’espace à sa base. Je ne vous cache pas l’ampleur de la tâche. Architecte, ingénieur structure et bureau d’études… nous nous sommes tous penchés sur ce sujet. J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés l’entreprise de maçonnerie Stam. Comme un macro-moulage, l’escalier a été réalisé sur place ! Mais pas question de garde-corps en verre. Pour moi, cela s’apparente à une chaussette trop haute ! L’idée des filins m’est venue, au grand dam du plaquiste, certainement ! Il y en a plus de 300. Il a donc fallu calculer la pression idéale pour ne pas brusquer la dalle ni négliger la sécurité.
L’effet est bluffant, graphique à souhait sans se départir de la vue. À ce monolithe, Muriel a choisi le contact du vert, créant son « patio », un éden accueillant en son centre un arbre de 5,5 m de hauteur. Pour l’accompagner dans cet art de vivre grandeur nature, l’entreprise HENRI, spécialisée dans les technologies intelligentes, a géré l’ensemble du système domotique. Indispensable, confirme Muriel. C’est un métier qui nécessite un réel savoir-faire, de l’expertise. Cela vous incite à vous poser et à réfléchir sur la façon dont on évolue au quotidien. Comme pour tous les architectes d’intérieur, ce qui compte c’est l’atmosphère. Et cela passe avant tout par la conception lumière et notamment l’éclairage ponctuel. Les prises commandées, les scenarii prédéterminés sont des éléments aujourd’hui incontournables. Et surtout pour la gestion des énergies. Cela change la donne. Voilages, stores, baies vitrées, cave à vin, piscines intérieure, extérieure, téléviseurs escamotables, salle de home cinema, le dialogue avec la maison est total !
Photographe : Studio Erick Saillet