Dans l’ouest lyonnais, cette demeure figure l’antre de Victoria Wolf et de sa tribu. La décoratrice nous accueille en toute humilité, un mot qui résonne en ces murs. Puisque si le terme château serait plus juste… le propos est tout autre. Retour aux sources.
Victoria Wolf n’a conservé que l’essentiel. Son sens de l’épure était semble-t-il forgé pour ce lieu. mais avant de s’aventurer dans cette réhabilitation de grande ampleur, la décoratrice s’est plongée dans les nombreuses vies du site : C’est inscrit sur une pierre : 1700, confirme Victoria. À cette époque, les deux corps de bâtiments étaient scindés, avant d’être connectés notamment par cette tour centrale, puis transformés en villégiature avec l’ajout des deux tourelles d’angles, équilibrant l’architecture. Lors de notre première visite, la demeure était avant tout un amoncellement de moulures, de pièces labyrinthiques, d’ornements désuets, en décrépitude et hors contexte…
Puisque à l’origine, les lieux ont abrité pendant de nombreuses années des moines ! Et c’est cet esprit monacal que la décoratrice a cherché avant tout à retrouver, dissimulé sous ces strates patrimoniales. Le challenge était de taille. Pour l’accompagner dans ce projet gigantesque, Victoria s’est entourée de son binôme de prédilection, l’architecte d’intérieur Jérémy Rochet, ici mandaté en qualité de maître d’œuvre, à l’aise dans les défis techniques aux côtés d’artisans d’exception.
Victoria se souvient : C’était assez triste de voir cette maison laissée à l’abandon. Quatre pièces partitionnaient l’entrée, le sol de la cuisine était recouvert de lino. Aux murs, les pierres étaient enfouies sous des tonnes de revêtements… Il n’y avait pas grand-chose à conserver en l’état, mais plutôt à révéler et à réinscrire dans une trame cohérente. Je pense que cela aurait été plus facile de s’inscrire dans une vision châtelaine ostentatoire. Seulement, ce n’était pas notre sujet. Ces notes d’apparat ne convenaient pas à ce lieu. Nous avons donc pris le parti de retrouver cet esprit originel, plus austère.
Nous avons pris le parti de retrouver cet esprit originel plus austère.
Tout se met en ordre de marche. Les cloisons s’effacent, les ouvertures renouent avec la lumière naturelle et le parc transformé ; les pièces sont redistribuées, certaines moulures conservées, puis lustrées et réinjectées à des endroits stratégiques – à l’instar des cheminées –, la pierre existante et les lignes de fuite sont enfin révélées… La plupart des matériaux proviennent de la région, souligne Victoria, comme la pierre de Villebois, au sol, issue d’une carrière voisine, comme si elle avait toujours fait partie des lieux. Il était nécessaire de retrouver une visibilité dans cet enchevêtrement. Cela n’a pas toujours été simple, au vu de la complexité des travaux, de conserver ma ligne directrice !
Aucun raccourci n’est pris, grâce à l’exigence combinée de la décoratrice et du maître d’œuvre. Au sein de la nouvelle implantation, les pièces épousent la forme initiale de la bâtisse, en enfilade, créant par ce mariage subtil de l’ancien et du contemporain une dynamique spatiale matérialisée par ce jeu d’arches métalliques. La circulation est pour moi un point essentiel. Tout a été conçu pour qu’elle soit fluide et intuitive, toujours en lien avec le parc arboré. comme en témoigne la cuisine, réalisée par Boffi Lyon, au centre de la vie familiale. Adossée au lavatorium restauré, elle s’inscrit aujourd’hui dans la continuité de l’ancien réfectoire, grâce à ses doubles passages percés pour l’occasion, gravitant autour de l’îlot qui impulse un cheminement naturel. Une transversalité qui trouve son propre tempo dans ces aplats de couleurs plurielles, créant de la matière architecturale. Je ne les vois pas comme des couleurs, sourit Victoria. C’est ma façon de faire entrer la nature au cœur des volumes et de les connecter au parc, réinterprété un peu comme un jardin à la française. L’extérieur est pour moi aussi important que l’intérieur.
Des effluves de mousse, de lichen, de sauge, doux et apaisants.
Des nuances végétales aux effluves de mousse, de lichen, de sauge, doux et apaisants, déroulées comme un fil d’Ariane et qui accrochent au passage les ornements et la lumière. elles reflètent cette unicité et cette cohérence, confortées par le choix des surfaces brutes et texturées : pierre sablée, métal brossé et chêne teinté. en phase avec un passé recomposé par sa sensibilité stylistique, Victoria a souhaité avant tout rendre la demeure plus facile à vivre et créer un canevas harmonieux, reflet de son propre langage conceptuel : un équilibre idéel entre éléments contemporains et pièces chinées, un mix de styles et de textures. Une sincérité décorative héritée de son goût inné pour ce métier cultivé depuis son plus jeune âge et affiné au fil de ses expériences immersives, dont celle au sein d’une agence d’architecture genevoise. Avant de créer son agence maison Victoria Wolf, évoluant aujourd’hui entre Megève et Lyon. Tout un univers
Maîtrise d’œuvre : Jérémy Rochet
Photographe : Studio Erick Saillet