Enrubannée dans la campagne lyonnaise, cette ancienne ferme parle différents langages au diapason d’un paysage édénique. Une sémantique conceptuelle travaillée par l’architecte Denis Vélon et Claude Cartier Studio, qui redéfinissent l’idée même de la longère telle que nous la connaissons.
Rien derrière les façades crépitantes ne laisse présager le scénario qui se déroule entre ses murs rénovés de pied en cap sur deux niveaux. Mais avant de prendre le pouls de cet environnement sculpté, la bâtisse d’origine comprenant deux corps de ferme légèrement décalés a fait l’objet d’une rénovation gargantuesque orchestrée par Denis Vélon, agence Eden Architectes.
Le concepteur se souvient : La maison baignait dans son jus rustique depuis les années 1980. Si notre intention première était de sauvegarder cet aspect authentique, j’entends les tuiles anciennes et les murs en enduits dentelés, nous avons inclus dans la création et l’agrandissement des grandes baies un geste contemporain à même d’absorber le jardin paysager. Nous n’avons pas essayé de gommer, bien au contraire, nous nous sommes appuyés sur les éléments existants, conservant les murs en pisé et, de pair, ce décalage inhérent au bâtiment pour cultiver le caractère agreste et accroître la viabilité du projet. Le seul ajout réside dans la surélévation, chapeautant la cuisine et accueillant la suite parentale.
Ainsi démultipliés, les clairs de jour égrainant la bâtisse s’érigent comme des tableaux, des chemins de traverse où chaque essence méditerranéenne et locale taillée à l’anglaise ou à la française envahit, par sa palette vibrante, les espaces intérieurs.
C’est là le théâtre décoratif de Claude Cartier et Fabien Louvier, sollicités par les propriétaires pour dompter les lieux, à l’image de ce travail paysager qu’ils ont patiemment tissé. Sous l’influence donc de ce parc sculptural, les scénaristes n’ont pas hésité à séquencer le décor évoluant au rythme de ce microcosme, dont ils ont su extraire les teintes et la sensibilité. Le contexte est juste spectaculaire, souligne Claude Cartier. À nous d’en capter l’essence pour le retranscrire et de le faire vibrer à travers les matières, les chromatiques et les formes.
Un décor organique sous l’influence directe de la végétation environnante.
Ainsi, chaque élément a été instillé en lien étroit avec ce spectacle nature peinture. Les canapés, les tables, les fauteuils et les tableaux ainsi que les céramiques s’inscrivent dans cette dynamique organique, poursuit-elle. Même la bibliothèque Porro, terre/ciel affiche sciemment une silhouette arborescente. Au centre du propos décoratif, le vert mis au point par la décoratrice avec la marque Ressource spécifiquement pour ce lieu. Ce coloris était une évidence, confie-t-elle. Mais, mon intention n’était pas de calquer ce que nous avions sous les yeux, mais de créer une nouvelle nuance, à même de relier toutes les autres et de les éveiller.
À cela s’ajoutent des teintes automnales, neigeuses et même solaires, que l’on retrouve sur les murs, le mobilier, toutes les ponctuations stylistiques flirtant avec les quatre saisons. Le regard, quant à lui, suit ce sens de lecture, ce va-et-vient dedans/dehors, tournant autant de pages que d’échappées visuelles. Pour Claude Cartier : L’architecture d’intérieur imaginé par Denis Vélon a donné vie à de nombreuses perspectives. Notre travail narratif s’est donc concentré sur cette galerie paysagère, contribuant à dialoguer avec ces points de vue, sans se départir d’une modernité assumée, entamée lors de la rénovation.
Les clairs de jour démultipliés, égrainant la bâtisse, s’érigent comme des tableaux.
À l’étage, les chambres toutes différentes poursuivent cette volonté. On retrouve notamment dans la suite parentale cette synergie entre les éléments, au sein d’un décor plus onirique, davantage boisé et minéral. Ici, un tapis disposé tel un parterre de feuilles. Là, un papier peint en filigrane ponctué de feuilles d’or et une banquette contemplative, guettant l’arrivée de l’automne. Comme l’exprime la décoratrice, un travail en seconde peau, en symbiose avec un spectacle en perpétuelle mouvance.
Décoration : Claude Cartier Studio
Photographe : ©Guillaume Grasset