Sur l’île de Tinos, dans les Cyclades, l’architecte Alexis Kontodimas écrit, par les jeux d’ombres, une architecture paysage où la radicalité brute et monochrome des matériaux mis en œuvre dialogue avec la lumière crue de la Méditerranée.
Maestro de la continuité du dehors et du dedans, des jeux d’ouvertures et de couvertures, des vides et des pleins, il crée une maison de vacances en forme de filtre à habiter, totalement hybridée avec son environnement et à la présence étonnamment forte. Le minimalisme y est paradoxalement une source de richesse incroyable de matérialité, de textures, de mouvement. Cette maison est l’expression d’un rêve, raconte l’architecte Alexis Kontodimas. D’un rêve un peu conceptuel : dessiner une architecture par les brise-soleil. Je l’ai conçue pour moi.
Pourtant, ce n’est pas la sienne. Le rêve de l’architecte est, entre-temps, en cours de construction pour être tout à fait précis, devenu l’architecture de rêve… d’un autre. Comment résister ? Surplombant la mer Égée et engloutissant les Cyclades, elle émerge discrètement d’une colline sur l’île grecque de Tinos, dont elle exprime élégamment et simplement la nature terreuse, les tons sourds et clairs, et les textures brutes. Dont elle interprète aussi, de façon contemporaine, les méthodes de construction vernaculaires.
Cette maison est l’expression d’un rêve. D’un rêve un peu conceptuel : dessiner une architecture par les brise-soleil.
Ici, le minimalisme est de mise, et la palette de matériaux, limitée et locale : plâtre, rotin, marbre travertin. Monochromie totale, à deux exceptions près : le marbre vert, local lui aussi, mis en œuvre dans la chambre principale et la cuisine, et le châtaignier utilisé pour les agencements intérieurs menuisés. La villa est un filtre. Une zone de porosité en mouvement entre la mer, le soleil et un art particulier d’habiter, doux, presque langoureux et frais. Les ombres, aussi architecturales que les murs.
Tout se joue dans la continuité entre le dehors et le dedans, les sols ininterrompus, les jeux d’ouverture totale des faces, des volumes donnant sur la mer, puis partiellement refermés d’écrans en blocs de maçonnerie perforés d’un motif géométrique à l’extérieur. L’ensemble de l’édifice est organisé à la manière d’un quartier très semblable aux petits blocs de maisons de l’île.
La villa est un filtre. Une zone de porosité en mouvement entre la mer, le soleil et un art particulier d’habiter.
C’était une manière de travailler avec les contraintes du site, poursuit l’architecte. Nous avions la possibilité de construire un nombre de mètres carrés limités. Ainsi, toutes les circulations sont rejetées à l’extérieur, et non couvertes. Considérées, donc, comme non construites. Elles s’apparentent à des successions de petits patios reliant les trois volumes qui composent l’édifice, parfois équipés de meubles aux lignes brutes, dessinés sur mesure et fabriqués dans le même matériau que le revêtement de sol, comme s’ils en émergeaient. Comme s’ils étaient eux-mêmes un morceau d’architecture. Une façon de renforcer la minéralité. De rendre à la nature environnante ses droits. De dramatiser le jeu architectural des ombres. Mais cette approche sert également la fonction. C’est une maison de vacances.
Les bungalows accueillent les chambres et disposent d’espaces privatifs extérieurs, à l’abri des vues. De petites terrasses abritées, qui donnent directement sur le jardin. Le volume central est d’ailleurs construit en décrochés pour préserver l’effet, tels trois parallélépipèdes en quinconce. Ces lieux de repli évoquent des cabanes légères respectant la rugosité aride de l’environnement (les pergolas sont couvertes de bambou grec filtrant les rayons du soleil) et se succèdent jusqu’au volume principal, un vaste living-room abritant aussi une cuisine ouverte, en bordure de propriété, connecté à la piscine. Dont le bleu, d’ailleurs, se confond presque avec la mer en contrebas et à laquelle mène un vieux chemin des ânes. Le rêve d’architecte d’Alexis Kontodimas est aussi un rêve d’hybridation. Une maison-paysage. Ou un paysage-maison, peut-être.