Dominant de sa superbe le centre-ville de Chambéry, cette construction de 300 m2 écrit son histoire contemporaine au cœur d’un paysage boisé introverti, en équilibre sur un escarpement rocheux. Des contraintes liées au terrain et aux vis-à-vis, l’agence Patey Architectes a fait une force qui s’émancipe des conventions architecturales.
Se fondre dans le décor
S’étirant sur 50 mètres, la construction épouse les contours du terrain qui reprend naturellement ses droits sur le béton. À l’est, le bâtiment sort peu à peu de la paroi rocheuse pour mieux se concentrer à l’ouest sur la percée végétale, offrant une vue privilégiée sur la chaîne de Belledonne. Entre, les deux façades linéaires jouent sur la transparence et l’opacité. Au nord, le mur aveugle protège la vie intérieure des regards indiscrets, camouflé par des plantes grimpantes. Au sud, la maison embrasse la nature verdoyante et absorbe les rayons du soleil filtrés par les dix baies vitrées Technal de 6 par 2,70 mètres. Au zénith, des puits de lumière, conçus comme des failles, percent de part et d’autre le toit végétalisé. Ainsi, depuis la route culminante, impossible de distinguer la maison parmi la végétation !
Les architectes Christian Patey et Léa Viricel décryptent : L’extérieur est emmitouflé dans la nature, que nous avons préservée au maximum, avec une partie enterrée contrebalancée par un porte-à-faux. Naturellement, elle tourne le dos à ce qui lui déplaît pour s’orienter vers le paysage et la vue. Un jeu d’équilibriste, mais également d’équilibre entre dedans/dehors. À l’intérieur, nous avons tendu la main à l’extérieur. Ainsi, les frontières sont floutées par l’insertion de la piscine ouverte/couverte, le patio, la paroi naturelle saillante ou encore l’entrée, imaginée comme une douce transition avec au sol des graviers reprenant le vocabulaire extérieur emprisonné dans l’intimité intérieure.
Une distribution unique
Au centre de l’attention, le couloir atteste les 50 mètres linéaires et cette ascension horizontale de la terre à la lumière. Il distribue l’ensemble des pièces de jour et les espaces nuit, sans discontinuité. En enfilade, la cuisine, le salon, le patio et la suite parentale sont séquencés par des voiles de béton. Volontairement, le matériau est laissé brut au mur et au plafond, comme un livre ouvert où les imperfections peuvent raconter leur histoire : mais d’autres matériaux entrent en scène pour l’adoucir, le réchauffer ou le porter. Ainsi, l’ensemble de la cuisine, des meubles de la salle de bains, des dressings ou encore des rangements et des étagères, ont fait l’objet d’une conception sur-mesure réalisée par l’entreprise Ricou Cuisines et Bains, qui jongle subtilement avec le Corian®, le métal ou encore le bois. Au sol, le béton ciré lisse les volumes et nuance la lumière. Sa mainmise sur le bâtiment s’étend jusque dans la piscine, en version hydrofuge. Pour respecter le matériau, le mobilier lui fait un clin d’œil, en évoquant clairement le design métallique cintré de Marcel Breuer, maître incontesté de l’architecture béton.
Cette construction atypique témoigne des conceptions singulières imaginées par l’agence Patey Architectes. Les architectures que nous concevons tirent leur inspiration des évolutions de la société et des modes de vie, autant que de la nature ou de l’art contemporain. Nous rebondissons sur l’air du temps. Nous défendons ardemment une architecture optimiste et volontaire qui s’affranchit des conventions, confirme Christian Patey.
—
Photographe Erick Saillet