À Grimaud, l’architecte Marie-Anne Chapel redonne souffle et cohérence à une villa moderniste, fin années 1960. Une rénovation poétique, habitée, qui réveille les formes d’origine sans les figer, dans une esthétique équilibrée et vibrante.
Posée entre les pins et les restanques, dans un lotissement confidentiel sur les hauteurs de Grimaud, cette maison refuse les artifices, se laissant traverser par la lumière. Pourtant, avant que Marie-Anne Chapel n’intervienne, l’équilibre était rompu. La structure avait été conservée, mais tout le reste semblait trahir l’esprit initial. Ce qu’il y avait de cohérent avait disparu. Il a fallu retrouver une unité, confie l’architecte.
À l’origine du projet, un couple de Stéphanois à la recherche d’un refuge dans le Sud, radicalement éloigné des codes provençaux. Elle, passionnée d’architecture, rêvait d’une construction de ce style, à l’esthétique forte. Lui imaginait des finitions sombres, du verre, de l’aluminium. À ces deux sensibilités, l’architecte propose un compromis éclairé, réconciliant les usages avec une vision subtile du lieu. Une synthèse, avec en filigrane le silence. L’approche conceptuelle est limpide, fondée autour de ce qui faisait encore sens : une structure béton qui épouse parfaitement le terrain, des volumes simples, une orientation bien pensée. À partir de ce socle, tout a été reconfiguré. Une nouvelle organisation intérieure fait place à cinq chambres en suites, des espaces de vie ouverts sur le paysage.
Il fallait comprendre ce que la maison avait été et ce qu’elle pouvait encore devenir.
Le niveau inférieur, autrefois étouffé, a été libéré et transformé en lieu de bien-être. Tout changer, oui, mais en réaccordant chaque chose, explique Marie-Anne. Mais l’essentiel est ailleurs. Dans les proportions, les matières, les détails. Tout a été dessiné sur mesure : les portes, les meubles, les escaliers, les claustras. L’okoumé, choisi pour sa présence sobre et chaleureuse, donne une unité tactile à l’ensemble. Ce bois, utilisé par Perriand ou Le Corbusier, révèle ses plis à la coupe et offre une vibration singulière.
Il structure les volumes, apaise l’atmosphère, inscrit la maison dans une continuité temporelle. J’aime les matériaux qui ne trichent pas. Qui se montrent dans leur vérité, souligne Marie-Anne. Les volumes gagnent en douceur : les angles disparaissent au profit d’arrondis, en particulier dans les salles d’eau où les mosaïques jouent la couleur, pièce par pièce, avec une précision chromatique mouvante.
À l’extérieur aussi, l’harmonie a été restaurée. Le jardin, entièrement repensé, accueille désormais palmiers, essences locales et lieux d’ombre. La piscine, autrefois sans grâce, a été réajustée, allégée de ses maladresses : plage ajoutée, débordement corrigé, matériaux choisis avec soin. Des claustras de béton blanc, aux motifs significatifs des années 1970, filtrent les regards et insufflent cette âme assumée
L’idée, c’était de tout rendre évident, mais sans que rien ne paraisse forcé, précise l’architecte. L’ameublement devient à son tour un terrain de dialogue et de mesure. L’architecte sensibilise, la cliente affine, apprend, s’empare du regard. Je l’ai accompagnée, formée. Je lui ai donné des clés, elle s’est approprié son projet avec une finesse remarquable, sourit Marie-Anne. Ensemble, elles composent une atmosphère habitée, à la fois ancrée et libre : fauteuils vintage, tapis texturés, céramiques en série limitée, pièces d’époque ou réinterprétées, choisies aux puces de Grimaud ou de Saint-Tropez. Un monde se réinvente, sans nostalgie.
J’aime les matériaux qui ne trichent pas. Qui se montrent dans leur vérité.
Ce projet s’apparente ainsi à une restauration d’œuvre : précise, rigoureuse, mais toujours guidée par une perception ajustée, révélant la lumière, les vides, les circulations. Ce qui est intéressant demeure le lien. L’articulation entre le geste et l’usage, entre la forme et la sensation, conclut Marie-Anne Chapel. Il fallait comprendre ce que la maison avait été et ce qu’elle pouvait encore devenir. Ne pas plaquer une époque sur une autre, mais créer un lien vivant entre elles. J’ai conservé l’essentiel. La maison a retrouvé son souffle. Et l’évidence, tout autour, s’est remise à circuler. Ce lieu témoigne de sa manière unique d’appréhender sa discipline, faire renaître une architecture sans jamais chercher à la refaire. Simplement l’écouter.