Endormie dans le quartier de Tivoli, au Cannet, cette demeure semblait coupée de son histoire. L’agence Alliot + Maudet s’est emparée du lieu pour lui redonner cohérence et caractère. Une rénovation pensée comme une évidence, entre respect du passé et vision contemporaine. Équilibre.
Des trajectoires parallèles, une approche qui s’enrichit de leurs contrastes. De leurs fondations complémentaires – Théo Alliot, formé à l’Académie Charpentier avant d’obtenir son diplôme d’architecte à l’ENSA Paris-Belleville, et Romain Maudet, diplômé de l’ESAG Penninghen, puis de l’EFET Paris en architecture d’intérieur – est née l’agence Alliot+Maudet, en 2019. Enfants du pays, ils ont su aiguiser leur talent inné au sein de très belles agences parisiennes. Puis à Cannes, où un projet mutuel va croiser leur regard, leur sensibilité commune pour concevoir chaque projet comme un tout, où l’architecture et l’architecture d’intérieur s’entrelacent pour créer un dialogue fluide entre structure, aménagement, paysagisme et usage.
Cet œil double nous permet de proposer des concepts qui vont plus loin, du portail jusqu’à la serviette brodée, expliquent-ils. D’avoir la satisfaction que le dessin des espaces jusqu’aux détails d’exécution s’inscrit comme un fil conducteur, de l’étude à la livraison. Une juste réalité portée par notre réseau d’artisans qualifiés qui connaissent notre niveau d’exigence. Une vision ciselée totalement incarnée par cette maison construite dans les années 1930. Dans le Sud, il y a un patrimoine extraordinaire. Raison pour laquelle la rénovation est l’une de nos spécificités, expliquent-ils. Et certaines sont si lourdes qu’elles s’apparentent à des reconstructions complètes.
Nul pastiche, Théo et Romain contextualisent le projet, s’attachant aux éléments patrimoniaux non sans opérer sur plan une révolution. Nous conservons le caractère et l’âme de la maison, mais cela ne nous empêche nullement de transposer le projet à notre époque, complète Romain. Dans ce cas précis, les codes bourgeois étaient bien là, mais ils manquaient de stature. Trop sages, trop effacés dans ce paysage architectural où les demeures jouent sur les chromatiques. Il fallait lui rendre son unité, son éclat et son identité. Main dans la main avec le client, nous avons décidé de la réveiller !
Nous conservons le caractère et l’âme de la maison, mais cela ne nous empêche nullement de transposer le projet à notre époque.
Puisque, depuis sa construction, la demeure a subi quelques transformations successives, notamment une division, qui ont altéré sa lecture. Fluidité, équilibre, verticalité. Le cadre est posé, l’histoire du lieu et de son environnement absorbée, pour mieux créer une passerelle entre hier et aujourd’hui. À l’extérieur, la façade renoue avec son tissu urbain, mise en relief par un travail chromatique sur les modénatures, les volets, l’enduit.
À l’intérieur, une tout autre musique. Elle n’avait plus aucune connexion et son agencement ne faisait plus sens, précise Théo. La première étape a été de retrouver une cohérence spatiale en décloisonnant entièrement les volumes. Seul le mur de refend central a été conservé, ainsi que les ouvertures, à l’exception de l’accès entre la salle à manger et le jardin, volontairement agrandi. Une trémie a été ouverte pour relier les niveaux et recréer un volume central, une maison de maître.
Romain précise : Même si nous avons intégralement repensé le plan, nous avons préservé certaines touches caractéristiques, à l’image des anses à panier, les anciennes cheminées pour ne pas perdre de vue le caractère originel, des calepinages assez fins de petites céramiques, inspirées de tomettes provençales, de la peinture talochée, etc. Des rappels associés à des traitements très contemporains en fonction du bois choisi ou encore sur les plafonds avec une légère modulation structurelle. Tout en démultipliant le rapport à la lumière naturelle, à l’instar de ce vitrail texturé à l’entrée.
Même si nous avons intégralement repensé le plan, nous avons préservé certaines touches caractéristiques.
L’agencement suit cette même logique d’équilibre. Nous aimons les contrastes bien dosés, sourient-ils. L’usage du bois est omniprésent : du chêne clair dans les espaces de vie pour accentuer la luminosité, du chêne brun dans les zones plus intimes pour créer de la profondeur. Les placards menuisés ont été pensés dans les moindres détails, avec des jonctions minimales et des finitions précises, comme les plaintes réduites à un centimètre et les angles travaillés en coupe à 45°, pour garantir un volume pur, dans les règles de l’art. D’où notre choix de déposer tous les sols et de repartir d’une copie vierge. Les revêtements oscillent entre petits formats et grandes dalles, liés par un gris du Marais. Une réappropriation que l’on retrouve dans le jardin, autrefois envahi par une végétation dense et anarchique.
L’idée était de créer une bulle de verdure qui protège la maison sans l’enfermer, souligne Romain. Un bassin de dix mètres carrés, inspiré des bassins provençaux, devient le point central autour duquel s’organise un jeu subtil entre plantations taillées et essences plus libres. Nous avons choisi des espèces méditerranéennes adaptées au climat, avec un mélange de structuré et de sauvage pour garder un équilibre naturel, poursuit Théo.
Plus qu’une restauration, une réinterprétation. Chaque choix a été guidé par la volonté de renouer avec l’histoire de la maison sans la figer dans le passé. Nous évitons le décor. Nous travaillons pour révéler un lieu, pas pour le transformer en cliché, concluent-ils.