Il existe des décors, tels des voyages. Des scènes semblables à des rencontres. Des duos qui coulent de sources multiples. Dans la forme hybride de cet appartement, l’agence Orsini Daventure explore tout en matérialité sa synergie cousue de fils expérientiels entrecroisés.
Des parcours qui se télescopent sur les bancs de l’École Camondo. Puis des routes qui diffèrent. Chez Studio KO pour Clémence Orsini, avec une enfance d’expatriée à Tokyo. Chez Franz Potisek pour Clément Daventure, aiguisant son œil patrimonial hérité de sa jeunesse campagne chic. Une vision francocosmopolite d’une grande complémentarité sur laquelle repose jour après jour cette façon unique de créer des passerelles entre le classique et le contemporain. Et de faire de leur créativité plurielle un véritable appui spatial. À l’image de cet appartement sis Butte-Montmartre, dans un immeuble début XXe siècle.
Clémence précise : Les espaces étaient très bien construits, avec une configuration idéale, chaque pièce desservie par ce couloir d’entrée formant spontanément un U. Mais dans son jus depuis plus de 60 ans et sans chauffage ! En sous-face, les travaux sont d’ampleur dévoilant par égrenage des éléments endormis. En déposant l’agencement existant dans le salon, nous avons retrouvé des lambris d’origine, recréés à l’identique pour l’occasion sous la forme de stylobates et de panneaux ponctuels teintés jaune, sur lesquels nous sommes venus intégrer les appliques, souligne Clément. Sous les différentes moquettes, nous avons également découvert le parquet enseveli.
Pour la petite histoire, par cette réalisation, les propriétaires signent leur deuxième collaboration avec l’agence Orsini Daventure. Nous avons fait leur premier appartement il y a quelques années, confirme Clémence. Avec l’agrandissement de la famille, ils souhaitaient un lieu de vie plus adapté. Très sensibles au design et à leur intérieur, ils nous ont fait confiance pour sortir de l’ordinaire. D’où ce choix radical de laisser les murs décapés bruts, pour contrebalancer ces boiseries sophistiquées. Sans omettre de chahuter les autres pièces, à l’instar du couloir auquel ils redonnent cette notion d’épicentre.
Nos différentes expériences et influences, enrichies par les éléments existants, les contextes nourrissent notre capacité à mixer et à explorer.
En effet, nous nous sommes attachés aux points de vue, explique Clémence. Quel que soit l’emplacement, le couloir est toujours visible. Nous trouvions intéressant d’impulser quelque chose de fort, sur lequel chaque pièce pose, selon son cadrage, sa propre interprétation. À l’époque, il était divisé en deux parties à moitié lambrissées, que nous avons réunies, prolongées et soulignées avec ce jeu de carreaux noirs et blancs.
L’origine de cette composition ? C’est un clin d’œil au quartier et à son architecture hygiéniste en cours à la fin des années 1920, avec notamment l’utilisation de céramiques en façade, à l’image de la piscine des Amiraux conçue par Henri Sauvage en 1927, située non loin. Associé à ce bleu poudré et à la moquette léopard, le couloir se met dans tous ses états d’âme joliment ponctués par ces appliques en verre de Murano des années 1960, chinées avec patience par Clément. Une chromatique et un graphique que l’on retrouve dans la cuisine entièrement repensée par les architectes d’intérieur accueillant ce coin-repas centre de gravité familial. Dans la chambre parentale, un autre style émerge, aux effluves italiens, coloris terre de Sardaigne. Tandis que la salle de bains s’épanouit sous un céladon hérité de la vasque et de la baignoire d’origine.
Nous trouvions intéressant d’impulser quelque chose de fort, sur lequel chaque pièce pose, selon son cadrage, sa propre interprétation.
Nos différentes expériences et influences, enrichies par les éléments existants et les contextes, nourrissent notre capacité à mixer et à explorer, confie Clément. Et avec une mère sicilienne, je réalise que l’Italie s’invite toujours, d’une façon ou d’une autre, dans nos projets. Une vraie carte blanche, brute, ciselée, sculptée par l’intuition et une connaissance affûtée par ce lexique vintage, entre mobilier des propriétaires retapissé, customisé, pièces chinées aux puces, dans les ventes aux enchères, aux styles balayant le XXe siècle, jusqu’aux œuvres d’art.