Dans un immeuble du milieu du XIXe siècle, Philip, nous ouvre les portes de son antre singulier.
134 m2 dédiés à un imaginaire créatif et à une vision artistique, insufflant à l’architecture d’intérieur minimaliste un supplément d’âme, la sienne et celle de toutes les œuvres qui animent l’espace. Investi dans ce projet de manière peu commune, Philip, ancien juriste de formation, se définit lui-même comme un amateur de beaux objets. Une passion qu’il partage aujourd’hui sans retenue.
En guise de présentation : rappelez-vous ce qu’affirmaient les Grecs ! L’artisan doit développer son savoir intellectuel et l’intellectuel exercer des dons manuels ! À sa manière, il nous présente son projet, ou plutôt son bébé, imaginé et réalisé par ses soins, de la conception architecturale jusqu’à la mise en peinture des murs et la pose des luminaires ! À l’origine, l’appartement vétuste, depuis de trop nombreuses années, s’exprimait sur plus de 200 m2. Avec la volonté de réduire une telle surface, notre hôte a procédé à la division de l’appartement, se réservant 134 m2, avec une perspective singulière de 27 mètres de linéaire, de la rue à la cour. Philip se souvient : Il fallait se projeter ! Huit pièces partitionnaient les lieux, sans la présence d’éléments patrimoniaux dignes d’intérêt. Ainsi, avec le concours des artisans, nous avons effectué un travail de fond colossal, pour repartir d’une page blanche.
Mis à nu, les volumes généreux retrouvés sont libérés de toutes frontières. Mais ce qui a déclenché la démarche d’inversion des espaces de jour et nuit – le plus souvent aménagés respectivement côté rue et côté cour – ce n’est autre que la cuisine ! Philip confirme : Je souhaitais une cuisine identifiée comme une pièce artistique à part entière. Dans le modèle Factory de Boffi, j’ai trouvé cet écho. Seulement, son implantation n’était possible qu’à cet endroit précis, compte tenu de sa nature monumentale. Raison pour laquelle, j’ai pris le parti de permuter le salon et la salle à manger avec les chambres.
Dans l’appartement, tout reflète cette démarche. Les places de chaque objet, chaque mobilier, chinés dans les galeries ou acquis dans les ventes aux enchères, sont le fruit d’une attention minutieuse. Même les luminaires, tous estampillés Artemide, ont été sélectionnés au terme d’une longue réflexion, avec la complicité du bureau d’études spécialisé en éclairage, Looom. À l’instar des bandes de peinture. Ces dernières animent l’ensemble de l’appartement et témoignent, en regardant de plus près, de l’aversion de Philip pour la symétrie parfaite ! À leur façon, elles créent de la matière architecturale, dans ces espaces dénués de cloisons, tout comme le mobilier.
Dans un deuxième temps, Philip a fait appel au regard de David Burles, Studio Dorga, pour redessiner la distribution. A posteriori, l’architecte d’intérieur a séquencé les 27 mètres linéaires pour créer un espace nuit à part entière et dynamiser l’ensemble en structurant le couloir-galerie, assumant pleinement l’inversion. Il n’y avait aucune cloison dans l’appartement, souligne David Burles, juste un espace ouvert extrêmement libre qui permettait au propriétaire d’exprimer sa sensibilité. L’exercice consistait à créer du rangement supplémentaire et à cloisonner, sans abîmer le travail colossal déjà effectué. Ainsi, le « sas » a vu le jour, délimité par une structure en bois massif toute hauteur (3,20 m), rehaussée par un placage en bois Zebrano d’Oberflex et de joints creux.
Une fois la porte close, ce mur permet d’oublier complètement l’espace nuit pour mieux redonner de la valeur à la zone jour, précise David Burles. Il est suivi d’une seconde cloison, au calepinage identique, revêtu de panneaux en mélaminé mat, donnant accès au bureau. Ainsi, lorsque les deux portes s’ouvrent, la galerie-couloir retrouve son échappée linéaire et la vue, jusqu’à la rue. Au cœur de cet espace le dressing-miroir démultiplie la lumière et accroît la profondeur. Le « sas » conduit directement à la chambre parentale, ainsi qu’à la salle de bains. Là encore, l’architecte d’intérieur a encapsulé la pièce d’eau dans un cube tout hauteur, en verre dégressif dépoli à la main et cerclé d’un profilé métallique, conviant ainsi la lumière naturelle à prendre possession des lieux, tout en assurant l’intimité des occupants. Le beau, l’élégance et la simplicité. Ni plus, ni moins. Nous laissons encore quelques instants notre regard être hypnotisé, par les trésors picturaux, sculpturaux et design.
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Photographe Erick Saillet