Pour Hervé Moreau c’est une grande première. Un souplex ! Dominant de sa superbe le paysage lyonnais, cet intérieur hybride, datant du début du XIXe siècle, à mi-chemin entre maison et appartement, a littéralement changé son écriture, croisant le regard de l’architecte d’intérieur et celui des propriétaires, Alexandra et Marc, pour rejoindre un horizon plus contemporain.
La cuisine reflète l’omniprésence des contrastes, ainsi que le travail d’orfèvre mené sur les perspectives et les symétries.
Perspectives filaires
En première main, ce souplex a été restauré par un promoteur immobilier. Avec pour volonté d’imprimer leur patte, nos hôtes, Alexandra et Marc, ont fait appel au savoir-faire d’Hervé Moreau pour redéfinir les volumes, dompter les envolées verticales des nombreuses circulations, agencer et aménager l’ensemble, avec une aura plus actuelle. L’architecte d’intérieur a pris le pouls des envies du couple, leurs besoins et leurs attentes, afin d’adapter le moindre élément à leur quotidien, porté par des solutions aussi pertinentes qu’esthétiques. Avec pour maîtres-mots, des teintes sombres et des rangements à revendre, Hervé Moreau a en premier lieu redistribué les accès aux différentes pièces, en leur redonnant une cohérence, doublé chaque mur et chaque plafond, sans toucher au gros œuvre existant. Une mise en place nécessaire pour mieux maîtriser les perspectives, comme en témoignent l’entrée et sa ligne de fuite exceptionnelle. Imaginé comme un travelling, ce chemin suit la personne qui l’emprunte, au gré des plans qui se dévoilent un à un. L’architecte d’intérieur a pris le parti d’affirmer cette linéarité.
Pour lui une évidence : il ne faut surtout pas lutter ! Au contraire, ne pas hésiter à accentuer le trait, pour ne pas transformer les contraintes en défauts. Nous avons donc assumé cette verticalité avec l’insertion du tapis en céramique Mutina et son écho, au plafond, matérialisé par cette bande noire. L’ensemble est renforcé par l’enfilade de rangements et la double porte coulissante en verre. Seul le parquet a été volontairement calepiné dans la largeur, atténuant d’une part l’impact visuel, mais surtout pour créer une vraie continuité avec les autres pièces attenantes et abonder dans leur sens, à l’instar de la cuisine. Cette dernière, dessinée par Hervé Moreau et réalisée par Boffi, reflète l’ubiquité du clair-obscur ainsi que le travail d’orfèvre mené sur les perspectives et les symétries. Soit, un véritable échange entre l’agencement, réalisé par At’home Perspectives et la conception lumière, élaborée par Hervé Moreau. Ce duo suit la même ligne directrice : l’alignement vertical et horizontal millimétrique.
Cubes noirs
En suivant le chemin de céramique, une boîte noire se révèle. À dessein, elle se libère de toute emprise au plafond, pour ne pas s’imposer. En effet, facettée de verre laqué – réalisé par l’entreprise Tardy à l’instar de toute la miroiterie-vitrerie –, cette intégration s’efface à travers les différents reflets du salon, du coin bibliothèque et de la salle à manger. Mais, une question brûle les lèvres… À quoi sert ce cube ? Ce qui ne manque pas de faire sourire l’architecte d’intérieur ! Le couple souhaitait un élément fort, confie-t-il. Cette boîte est le fruit de cette réflexion et de plusieurs autres postulats et constats. Le premier : ne pas intégrer de garde-corps à l’escalier en métal, entièrement redessiné. Le deuxième : ne pas laisser ce renfoncement vacant. Et le troisième : intégrer des sanitaires, sans empiéter sur les pièces de jour !
Nous avons donc créé cet espace, dévolu aux toilettes, comme une boîte à bijou, qui interpelle. En le contournant, le coin bibliothèque émerge peu à peu. Entièrement revu et corrigé, il oriente sa conception autour d’un des rares vestiges du XIXe siècle : la cheminée en marbre. Au verso, la salle à manger prend ses assises dans la véranda, déjà existante, en lien avec le salon qui dialogue directement avec la terrasse. Dans le living, le gris anthracite reprend ses droits, avec une respiration au plafond, en retrait, permettant d’augmenter la hauteur. La cheminée existante, malheureusement inexploitable, a laissé place à un foyer gaz et à un tableau métallique dissimulant la télévision, qui souligne le travail d’intégration audiovisuel effectué par Home Cinema Systèmes. Dans cet espace, les assises d’angle Minotti, choisies chez Maison Home Design, structurent l’espace.
En immersion
Les circulations valorisent les mises en scène et flattent les perspectives.
Au sous-sol, c’est une tout autre ambiance qui se dessine, notamment impulsée par les voûtains bruts, restaurés. On retrouve, néanmoins, ce jeu de contraste, avec en premier lieu, un volume clair flattant la cave à vin vitrée et le bureau, puis un espace de transition sombre, marquant l’entrée des anciennes caves, aujourd’hui transformées en un dressing linéaire. Les façades en chêne clair répondent aux pierres apparentes d’origine, l’ensemble structuré par des gorges, au sol et au plafond, insufflant du relief, mais également de la rigueur, comme la disposition des spots encastrés, parfaitement axés sur les profilés des façades de rangements. Ce passage s’ouvre sur la master suite, entièrement conçue pour capter le maximum de lumière naturelle distillée par la seule fenêtre.
Pour ce faire, l’architecte d’intérieur a joué sur la transparence et les points de vue entre la salle de bains et la chambre, délimitées par une fine cloison en verre fumé qui s’ouvre côté lit, afin de nettoyer les surfaces plus facilement. Au-dessus du meuble vasque, réalisé sur-mesure, le miroir de deux mètres de long semble suspendu. Il fait office d’écran réfléchissant, encadré par son éclairage LED tangentiel et se positionne de telle sorte que, depuis la baignoire rehaussée par une estrade, les propriétaires peuvent avoir un regard sur l’extérieur. De part et d’autre de ce podium, les toilettes et la douche se répondent dans leurs dimensions, au millimètre près. La pièce d’eau met en exergue la finesse de la conception lumière dans l’ensemble de cette réalisation, qui devient pratiquement structurelle, accompagnant les circulations, valorisant les mises en scène et flattant les perspectives.
—
Photographe Erick Saillet