Au sommet d’une résidence moderniste des années 1960, dominant la ville et les collines de l’ouest lyonnais, ce duplex semblait suspendu dans le temps. La vue, les volumes, la lumière, tout était présent, endormi. Trop d’époques superposées, trop de gestes dissonants. L’Ensemblier est intervenu dans une approche singulière : celle d’un œil formé au mobilier, capable de créer de la matière architecturale à partir de la fonction, de la circulation et du détail. Réconciliation.
Derrière le showroom de mobilier aux sélections affûtées, Claire Poulain et Olivier Dutel cultivent une approche exigeante, pétrie de dialogues, de matières et de précision. Main dans la main, ils défendent une vision du projet, dans lequel le mobilier n’est jamais une fin, mais un levier : celui qui permet de structurer l’espace, d’ouvrir les circulations, de faire émerger un récit. C’est dans cet esprit qu’ils ont accompagné la métamorphose de ce duplex, pour des clients de longue date avec qui le dialogue est devenu naturel, presque intuitif. Une nouvelle écriture mesurant toute la dimension du lieu, où chaque choix trace un lien, incarne une intention.
En s’appuyant sur l’originel, en jouant avec les matériaux, en déplaçant les usages, le duo a su mettre en lumière ce qui était déjà là, camouflé par les hésitations du temps. Détournant toutes les contraintes structurelles à son avantage, l’intervention commence ainsi par une impression, guidée par trois axes silencieux : l’Italie du Nord, comme un clin d’œil aux origines du propriétaire ; les années 1960, une évidence ; et le présent, en contrepoint. Il fallait retrouver l’unité. Nous sommes partis d’un existant, certes plein de bonne volonté, mais sans fil conducteur, raconte Olivier. Chaque pièce semblait vouloir s’affirmer par elle-même. Cependant, défaire pour refaire n’a jamais été notre manière de penser. Lorsqu’un élément a du sens, nous préférons nous appuyer dessus, le recontextualiser, plutôt que de l’effacer.
La céramique émaillée s’étire en ligne claire, relie les espaces, en traversant la cuisine, en filant jusqu’au salon.
Dans cette veine, l’escalier hélicoïdal s’impose comme le pivot. Il avait une vraie présence, mais enfouie sous un habillage sourd. Nous voulions qu’il retrouve une transversalité, sans surjouer, comme la promesse d’une architecture qui se laisse deviner, poursuit Claire. Exit donc la cage sombre, menuisée de bois, absorbant la lumière sans la diffuser. La trémie devient aérienne. Comment ? En créant des connexions visuelles à l’aide des matériaux. Et notamment la céramique émaillée. L’idée n’a pas été de transformer, mais de révéler ce qu’il contenait déjà : une ligne, un rythme, une résonance. Les arêtes ont été adoucies, les contours suivis, la courbe naturelle respectée. Un travail de plâtrerie délicat a redessiné le vide, précisent-ils. Épousant ce mouvement, cette surface vibrante, choisie pour sa brillance, nous a permis de capter la lumière de l’étage et de l’amener jusqu’au cœur de l’appartement. Elle s’étire ainsi en ligne claire, relie les espaces, en traversant la cuisine, en filant jusqu’au salon.
L’escalier n’a pas seulement guidé les perspectives, il a réorganisé les fonctions. Il est devenu le point d’ancrage d’un nouvel équilibre, générant spontanément un trait d’union entre la cuisine et le salon, les pièces de jour et de nuit, à l’étage. Au centre, là où tout se croise, la salle à manger a pris place – geste simple en apparence, mais qui impulse toute sa logique à l’appartement. Il était nécessaire de réinjecter de l’usage au cœur du plan, souligne Olivier. Ce hall central représentait une surface importante, mais il ne servait qu’à passer. Le pilier porteur, jusqu’alors fondu dans un meuble de rangement, a été dégagé, mis en scène et assumé, devenant l’élément structurant de la table dessinée sur-mesure. Puisque dans l’ensemble du duplex, l’agencement, un dessin né du lieu, s’inscrit comme un vecteur de contrastes par l’entremise du bois, impulsant les transitions. Des points de contacts émotionnels avec l’architecture des lieux.
L’idée n’a pas été de transformer, mais de révéler ce qu’il contenait déjà : une ligne, un rythme, une résonance.
Le noyer devient langage, comme une ponctuation chaude et graphique, tant verticale qu’horizontale. Sans omettre l’inox. Il faisait déjà partie du décor, confie Olivier, présent sur les marches conservées. Les luminaires ainsi que la cuisine longiligne, dessinée pour l’occasion, appuient cette notion métallique matérialisée par l’agenceur Atelier Bénière et l’artisan ferronnier Atelier Tison.
À l’instar du mobilier, sélectionné à l’équilibre des volumes distillant les trois axes principaux au fil des pièces réinventées. À ses côtés, les textiles, mélange subtil de lin lavé filtrant sur les rideaux, choisi chez Baralinge, de tissu gainé, sur les têtes de lit, de raphia CMO Paris en panneaux tendus, de reflets moirés Évolution 21 sur le canapé …. Tout participe à cette écriture sobre et texturée. Jusque dans les chambres où l’implantation d’origine a été conservée et twistée – bien évidemment – au rythme de cette nouvelle trame. À chaque seuil, une cohérence. À chaque détail, une ligne fonctionnelle. C’est sans doute cela, la signature de ce projet : une architecture réconciliée, à l’écoute du lieu et de son temps.


