Difficile d’imaginer cette maison, au cœur de l’est lyonnais, comme une ancienne implantation pavillonnaire des années 70 ! L’agence Et Si Architectures, sollicitée par nos hôtes du jour Marine et Gilles, a érigé un projet décalé, loin des implantations déjà-vues.
La villa traditionnelle s’est transformée en maison ossature bois ultra- contemporaine. Une prouesse visuelle qui semble assoir deux entités distinctes au sein d’un même site. Cette réhabilitation lourde de 350 m2 change le regard de la rénovation. Un parti pris fort qui redonne au métier d’architecte ses lettres de noblesse.
L’émergence d’un projet
En quête d’une maison à rénover, les propriétaires ont opéré de manière stratégique, consultant l’agence d’architecture en amont de tout achat. « L’étude architecturale était primordiale afin de poser les jalons de notre projet », souligne Gilles. « Elle devait déterminer l’acte d’achat pour que nous puissions voir le potentiel du terrain, mais également tout ce que l’environnement et la structure avaient à nous offrir. Nous nous sommes en quelques sortes apprivoisés, l’agence et nous-mêmes, en élaborant précédemment, lors de notre recherche de maisons, deux autres plans destinés également à la réhabilitation. Les plans sont allés crescendo dans l’audace et dans la capacité à répondre à nos attentes. Cette troisième proposition, fidèle à l’architecture actuelle, a concrétisé notre achat, révélant tout le savoir-faire de l’agence d’architecture en matière de construction bois. Nous avons signé en connaissance de cause, rassurés par l’éloquence d’un projet concret. »
Pour Marc Delacourt, l’un des trois associés de l’agence Et Si Architectures : « cette rénovation a été particulièrement intéressante, au vu de la confiance accordée par les clients. De l’étude, jusqu’à la réalisation des meubles, Marine et Gilles nous ont laissés carte blanche, emmenés par un réel dialogue, tout au long du chantier. Nous avons pu nous exprimer sans contrainte, toujours dans une démarche d’échanges interactifs. »
Mais comment ces deux volumes ont-ils vu le jour ?
Maison avant travaux
« Par dessous »
Marc se remémore : « nous nous sommes fiés à notre première impression. La sensation d’une maison érigée comme un obstacle, comportant très peu d’ouvertures, toutes exigües. La villa d’origine, en forme de L, était implantée au milieu du terrain de 2300 m2, sur deux niveaux : le sous-sol enterré par la butte, tandis que les volumes de vie et de nuit, à l’étage, étaient distillés de manière linéaire. Il n’y avait aucun lien visuel entre l’entrée située à l’ouest et le jardin à l’est. L’étude de la nouvelle maison s’est donc concentrée sur une transformation en lien étroit avec le terrain et l’environnement arboré, généreusement ouverte sur le jardin. »
Pour ce faire, les architectes ont pris le parti de ne conserver que le sous-sol, comme assise fondatrice du projet. La partie émergente a été rasée, remplacée par deux volumes distincts en ossature bois, telles des surélévations. L’appréhension de l’accès principal s’est inversé. La butte artificielle qui ensevelissait le sous-sol a été arasée pour mieux changer cet espace borgne en rez-de-chaussée.
Les deux volumes séparés, matérialisant le niveau supérieur, comportent aujourd’hui au sud, la suite parentale, au nord, les pièces de jour. Leur intégration est née « dans un premier temps, de la volonté des clients. Ils souhaitaient que chaque espace ait sa propre autonomie. Partant de ce cahier des charges, les deux volumes ont donc vu le jour, dans le but de créer une liaison visuelle traversante, afin d’ancrer la réalisation dans le terrain, de reconnecter l’entrée avec le jardin et de lier l’ensemble à l’environnement. Mais également dans un souci d’ouvrir les espaces de jour à la lumière naturelle. »
En effet, la maison d’origine, orientée côté jardin à l’est, était aveugle en partie sud, là où le pavillon finissait sa course en L. Les maîtres d’œuvre ont donc assis le volume de ce côté, avec un retrait maîtrisé afin de laisser courir au milieu des deux ossatures, une terrasse qui marque cette rupture visuelle forte, tout en permettant à la surélévation, située en partie nord, de bénéficier d’une belle luminosité australe via de grandes baies vitrées. Pièce maîtresse de la maison, cette entité dominante accueille le salon, la cuisine et au deuxième niveau, assimilé à une mezzanine, un coin télé-bibliothèque.
Grâce à cette implantation tandem, la suite parentale et le living-cuisine se répondent parfaitement, la première plus intime, la deuxième ouverte à 360°, via les nombreuses ouvertures. Le rez-de-chaussée vient s’inscrire naturellement comme une passerelle entre les deux ossatures. Il suit l’implantation des pièces de jour et de nuit supérieures, la chambre des deux filles, de 15 et 10 ans, au-dessous de la suite parentale, le bureau et le garage prenant leurs aises sous le salon et la cuisine. Le trait d’union est marqué par les escaliers gémellaires, en vis-à-vis direct, qui permettent l’accès à chaque surélévation.
Réflexion sur les matériaux et les performances
Spécialisée dans le bois sous toutes ses formes, l’agence Et Si Architectures n’a pas choisi ce matériau par hasard : « ce mode constructif octroie une liberté de création considérable, en phase avec notre appréhension du métier. Ne serait-ce qu’au niveau des volumes, les perspectives sont démultipliées. Charpente, ossature… c’est un réel travail de modelage qui s’apparente à une sculpture et nous permet d’intervenir à chaque strate du projet. L’avantage demeure également sa dimension saine. Les chantiers sont plus propres, particulièrement appréciables pour tous les corps de métiers intervenants, mais également pour les propriétaires, avec une sensation de confort immédiat. Il permet, en prime, de réduire l’addition des matériaux. Utilisé pour créer des surélévations, c’est la solution adéquate, en raison de sa légèreté, évitant la surcharge de la dalle existante. »
En effet, les architectes ont conservé les murs périphériques sains, en béton armé de 32 cm, constituant la base du sous-sol. Ils sont donc venus apposer les deux ossatures aériennes. Pour isoler l’ensemble de manière cohérente, les panneaux de fibre de bois ou laine de bois font partie intègrante des ossatures. Un complément en fibre bois rigide recouvre par l’extérieur l’ensemble des façades ainsi que les murs en béton armé du rez-de-chaussée. Résultat, l’isolation filante recouvre tel un manteau l’intégralité de la maison, sans aucun souci de ponts thermiques entre l’ancien bâtiment et les nouveaux. À cela s’ajoute une VMC simple flux, qui selon Marc, est largement suffisante : « la maison respire déjà naturellement, via les systèmes d’ouvertures Technal oscillo-battants, dont l’un mesure 4 mètres de haut au salon, réalisé sur-mesure ! La fraîcheur naturelle du rez-de-chaussée dispense toute intégration climatisée. De plus, nous sollicitons énormément les apports solaires. Même si la maison est conforme à la RT 2012, c’est avant tout du bon sens. »
Les Brise Soleil Orientables (B.S.O) assurent leur rôle de protection contre les rayons, tout en modulant la lumière. Concernant le chauffage, le terrain offrait la possibilité d’accueillir un système par géothermie, matérialisé par deux forages enterrés, une de 40 mètres, pour puiser l’eau et le deuxième de 32 mètres afin de la réinjecter, conformément au P.L.U. (Plan d’Urbanisme Local). Il alimente une pompe à chaleur pour le chauffage au sol, ainsi qu’un ballon thermodynamique pour la production d’eau chaude sanitaire. Le chauffage au sol disséminé de part et d’autre de la maison, excepté le coin télé au dernier étage, est recouvert sur les pièces de jour d’un béton ciré brut, retravaillé comme une dalle industrielle et non comme une chape. Les pièces de nuit quant à elles, privilégient le parquet, en résonance avec l’ossature.
Marc tient à préciser sa démarche : « nous favorisons toujours des matériaux pour ce qu’ils sont, avec toute l’altération que cela sous-entend. Le béton va se patiner, se forger une histoire au fil du quotidien, à l’instar du bois qui va vieillir et trouver sa couleur, sans l’intervention de quelconques traitements fastidieux. Raison pour laquelle, nous avons opté, en bardage, pour la solution Equitone d’Eternit, associée au bois, non seulement pour son aspect brut, ses nuances vivantes et naturelles, sa teinte laiteuse s’apparentant au béton, mais également pour ses performances acoustiques et son absence d’entretien, puisqu’elle est imputrescible… ». Imposée par le P.L.U., les toitures plates végétalisées viennent parfaire le confort thermique et acoustique, tout en évitant le refoulement des eaux de pluie dans le réseau.
Jusque dans les moindres détails
« Nous avons eu la chance d’accompagner cette réalisation jusqu’au meuble près. À l’instar des architectes du début du siècle, qui s’immergeaient dans un projet accompli, nous avons pu mettre en avant nos compétences et diplômes complémentaires de designer, d’agenceur et d’architecte d’intérieur. » De l’agencement du dressing, aux meubles en passant par certains luminaires, les architectes se sont tout simplement amusés à créer une réelle cohérence architecturale. « Nous avons élaboré chaque élément avec les propriétaires, répondant toujours au plus près de leurs attentes, en parfaite synergie avec les intervenants avec lesquels ils avaient déjà travaillés sur une précédente réalisation : Astral pour la confection de la cuisine, Rhône Piscines pour l’élaboration du bassin et de la plage, qui dialoguent avec les volumes mêmes de la maison. Ou encore le paysagiste Gebel Espaces Verts, qui de concert, a permis de magnifier la zone végétalisée à mettre en valeur et créer les gabions en pouzzolane. »
Maison après travaux
Les architectes ont su composer avec les rêves de Marine et Gilles, à savoir une cheminée Gyrofocus, ainsi que le mobilier du salon et tout particulièrement les méridiennes Barcelona, signées Knoll accompagnées du lampadaire Fortuny, dénichés chez Arrivetz, les meubles Ligne Roset… Ils ont gratifié l’ensemble de créations sur-mesure, comme la table du salon et le luminaire qui la coiffe, que l’on retrouve sous forme d’appliques dans la salle de bains parentale, enrobée de pâtes de verre Mutina, fournies par Bernard Ceramics, à l’instar de tous les grès cérames des pièces d’eau. Les créations lumineuses ont été conçues et fabriquées par le collectif lyonnais « les vendredis », créé en 2015 par l’agence elle- même, qui réunit leurs savoir-faire complémentaires, en matière de menuiserie… dédiés à la création de mobilier bois design. Le clou du spectacle, le garde-corps-claustra qui s’inspire du paysage arboré, donnant au salon une hauteur végétale.
Pour nos hôtes, cette maison change même l’appréhension de leur mode de vie : « nous avons immédiatement trouvé nos marques. Nous avons chacun notre autonomie, indispensable pour des adolescentes et nous retrouvons au sein de l’espace cuisine et salon, une vraie vie de famille. »
Le choix des architectes
L’isolation par la fibre de bois
Les panneaux de fibre de bois compacte de haute densité s’inscrivent parfaitement dans le cadre d’une isolation par l’extérieur, à même de conserver l’inertie thermique. Ils répondent aux exigences des parois légères et sont recyclables. Ils régulent naturellement l’hygrométrie de la maison et présentent une isolation phonique remarquable.
La surélévation
Elle a l’avantage de ne pas empiéter sur l’espace au sol, ni malmener le jardin. En bois, sa légèreté permet de s’additionner à une dalle existante. Depuis le 1er janvier 2012, la réforme de l’urbanisme dispense toutes extensions de moins de 40 m2 d’un dépôt de permis de construire, contre 20 m2 préalablement. Néanmoins, si la totalité de la surface globale vient à atteindre un volume de 170 m2, le recours à un architecte est obligatoire. Il faut prendre en compte le résiduel constructif et le P.L.U. qui détermine un certain nombre de règles, comme la hauteur, les réglementations en matière de voisinage…
Façade bois en mélèze
Pour l’agence, les panneaux 3 plis en mélèze choisis sont laissés bruts afin qu’ils se patinent au fil des saisons : « Laisser l’empreinte du temps qui passe est la condition indispensable à la bonne intégration de l’édifice dans son environnement ».
Panneaux en fibre ciment
Les panneaux de façade teintés dans la masse, très légèrement poncés dans le sens vertical, permettent d’obtenir une surface naturelle, forte d’une esthétique mate et d’un toucher velouté. Ils se composent d’un mélange homogène de ciment, sable et cellulose, imputrescible, imperméable, résistant au feu et aux insectes xylophages. Le traitement hydrofuge appliqué en surface garantit la pérennité de son aspect.
Choix : Equitone Tectiva d’Eternit coloris Naturel Beige TE 10.
Photographe Frenchie Cristogatin