Bicentenaire, cette ancienne ferme est aujourd’hui le théâtre d’une nouvelle forme d’expression déclamée par une famille pour le moins singulière. En ouvrant sa structure en madrier à des artistes du monde entier, ce lieu hybride, à mi-chemin entre résidence et galerie, a fait l’objet d’un travail de restauration remarquable, à l’image des œuvres qu’il met en scène. Ici, l’éditrice de mobilier Armel Soyer, aux côtés de son binôme Gilles Pernet, photographe et directeur artistique, évolue en hors-pistes.
Dans l’artisanat, l’authenticité
1792. Date gravée sur la panne faîtière de la charpente… Gilles Pernet se souvient : Nous sommes arrivés avec, dans nos valises parisiennes, des idées préconçues du chalet idéal. Tout s’est envolé, lorsque nous les avons posées à Flumet, en voyant cette bâtisse.
La ferme parle d’elle-même. Elle impose sa présence par son architecture, son histoire et son propre dessin. Le couple appréhende sa restauration complète, avec l’aide de l’architecte Olivier Chabaud, dans le pur respect de l’empreinte originale. La ferme menaçait de s’écrouler. Les murs vrillaient, la toiture tenait par un simple câble… Plus un sauvetage qu’une simple rénovation ! confie Armel. Et qui mieux que les artisans de la région pour lui redonner son lustre d’antan ? Pour nous, c’était une évidence. Ils connaissent parfaitement l’architecture locale, avec cette expertise et ce savoir-faire artisanal.
Chacun a effectué un travail d’orfèvre pour reproduire la charpente en mélèze (trop vétuste) à l’identique, préserver la ceinture murale en madrier, de l’époque, et réemployer un maximum d’éléments originels, réinsufflés de-ci de-là. Isolée de pied en cap, la ferme, assise sur son podium de pierres, se compose de deux plateaux de 200 m2, épousant la forte déclivité. Le « montagni », explique Gilles Pernet. Nous avons découvert ce terme, ici. Côté cuisine, la hauteur sous plafond avoisine les 2 mètres, pour redescendre, côté salon à 1,20 mètre ! Une façon naturelle et ingénieuse de décharger la neige vers l’avant de la toiture.
Le ressenti de prime abord est déroutant, mais participe pleinement au caractère unique de la maison. Cette particularité a demandé au charpentier, Michel Joly, ainsi qu’à l’électricien, Ouvrier Buffet, au maçon Feige et Fils et surtout au compagnon menuisier Jean-Luc Gobbo, tant dans le traitement du bardage en sapin que des huisseries, une minutie extrême. Cette appréhension artisanale de la ferme a permis de protéger ce précieux patrimoine, sans sacrifier au confort moderne.
Matière à émotion
Ce qui se déroule à l’intérieur est une tout autre histoire. L’intelligence de la création marque ici son territoire. Une manière astucieuse de concilier, pour le couple, sa vie de famille et la vision singulière d’Armel Soyer en qualité d’éditrice de mobilier et d’objets. Au premier niveau, la Galerie prend le dessus et contextualise des pièces uniques d’artistes-designers ou en série limitée, qui cohabitent en parfaite symbiose. Sur 200 m2, la beauté artistique d’un luminaire, d’une assise, d’un bureau ou encore d’une œuvre murale prend le chemin de multiples sensibilités, frayé à travers des univers scénographiques domestiqués. Ce lieu ouvert aux esthètes concentre des talents, repérés dans le monde entier par Armel Soyer, en résonance avec sa galerie parisienne. À l’instar des artistes qu’elle encourage et représente, l’éditrice se plaît à rompre les principes esthétiques du design, au plus près de l’art contemporain et décoratif.
Impliquée dans la conception, jusqu’à accompagner les artistes dans leur processus créatif, Armel Soyer semble en quête permanente d’émotions, qu’elle partage, ici, sans réserve. Il suffit de pousser la porte, pour le constater. Évoluant tous les six mois, les scènes vivent au rythme des œuvres et des événements, comme le rendez-vous annuel Design at Summit, en octobre dernier, marquant le coup d’envoi de la saison hivernale. La Galerie a dévoilé de tout nouveaux artéfacts inédits, comme les assises Pompon, de l’artiste russe Olga Engel, la table en bronze et chêne gougé de Thomas Duriez ou les suspensions en cristal de roche, signées Christopher Boots… Invitant même pour l’occasion des marques tricolores à insuffler leur énergie inspirante : Dedar, Norki, Bisson Bruneel, Yves Delorme et THG. Chacun a présenté son savoir-faire jusque dans la partie privative et a participé au tout nouveau projet d’Armel Soyer : le chalet des collectionneurs, situé au pied de la ferme. À suivre…
Des pièces uniques d’artistes-designers ou en série limitée contextualisées, qui cohabitent en parfaite symbiose.
La ferme parle d’elle-même. Elle impose sa présence par son architecture, son histoire et son propre dessin.
La pente inhérente à l’architecture d’origine, le « montagni », a nécessité un travail complexe de menuiserie.
Une rénovation d’orfèvres flattant les multiples sensibilités artistiques.
« La magie de ce lieu, qui opère sur chaque visiteur, c’est la rencontre du vernaculaire et de l’avant-garde. Imprégné de nature autant que de créativité, il porte la trace de tous ceux qui ont contribué à son édification et qui l’ont fait avec exigence. C’est cette magie que nous souhaitons faire découvrir à nos clients et aux collectionneurs qui manifestent le désir de nous rendre visite. »
Armel Soyer
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Photographe Studio Erick Saillet.