C’est à Pigalle, que nous retrouvons Florence Poncet. Au détour des immeubles dissonants du quartier historique, l’architecte nous immerge dans cette réalisation où le passé se recompose sous les traits d’un univers contrasté. Une nouvelle approche en clair-obscur propre à requalifier les espaces en scènes expressives, à la mesure des nombreux objets et mobilier du couple, collectionneur d’art.
Parquet chevron, moulures, boiseries, emmaillotés dans des couloirs étriqués et des pièces aux fonctions disloquées… soit le socle de tout appartement « type haussmannien » resté dans son jus depuis de nombreuses années. Dans sa quête narrative qui lui est chère, l’architecte porte son attention sur la configuration des espaces, écrite au plus près des attentes des propriétaires : « Une pièce de vie généreuse, comprenant un séjour et une salle à manger. Une suite parentale indépendante, digne de ce nom et un espace invité avec chambre et salle d’eau pour accueillir leurs enfants à tour de rôle », se remémore Florence Poncet.
Sans altérer l’âme du lieu, l’architecte a pris le parti de redorer le blason originel, accentuant les contours ornementaux, non sans résoudre quelques casse-têtes ! Lesquels ? Florence sourit : « Je pense au parquet ancien, mélangé avec un autre lot de parquet chiné, pour que les trames soient identiques au centimètre près et dont chaque lame a été numérotée et retirée afin d’ajouter une nouvelle chape et d’intégrer une isolation acoustique. Je pense à la corniche en staff calquée sur l’ancienne, pour composer l’ensemble séjour/ salle à manger, difficilement duplicable ; les murs et plafonds ne connaissant pas le mot droit ! »
J’imagine l’architecture comme un tout : une pensée du volume jusqu’à l’objet, une composition de lumières, matières, couleurs et textures.
Jusqu’à imaginer de toute pièce, une cheminée en marbre, mélange subtil entre le style Art déco et royal avec son contrecœur en bronze incrusté de fleurs de lys. Comme si tout avait là depuis des siècles ! Et ce, en redonnant du sens aux usages et de la lisibilité. Ainsi, le salon, la salle à manger et la cuisine suivent en enfilade et sans heurt visuel, les baies vitrées cintrées.
L’idée était de créer des clairs-obscurs, jouer sur les contrastes, dessiner un parcours intéressant et rythmé au cœur de l’appartement.
Transition entre la partie nuit et jour, l’entrée traduit le travail de l’architecte sur les contrastes et les chromatiques. Florence confirme : « J’ai souhaité une décoration forte et douce, une scène pour les objets et mobiliers d’art du propriétaire, qui évoluent régulièrement. Tous forts et expressifs, et même parfois de couleurs vives, à l’origine de la sélection des nuances. L’idée était de créer des clairs-obscurs, jouer sur les contrastes, dessiner un parcours intéressant et rythmé au cœur de l’appartement. J’ai donc choisi des couleurs foncées et douces, pour apporter du caractère, sans faire de concurrence aux œuvres. Nous avons d’ailleurs travaillé l’éclairage du séjour comme dans un musée par des rampes de spots orientables et variables. »
Aux consonnances hôtelières, la suite parentale transcrit une interprétation plus lumineuse des lieux, où le marbre nero veiné blanc laisse place au calacatta bianco veiné beige, omniprésent dans la salle d’eau. En quelque sort un négatif parfait du living, qui lui donne lui confère une stature tout aussi significative, avec une aura plus évanescente, sans jamais perdre de vue le propos décoratif. Cette salle de bains est née d’une volonté de créer un cocon enveloppant et apaisant. J’ai proposé d’utiliser un seul et même matériau pour le sol et les murs, accordé à un meuble en bois foncé, posé tel un objet au milieu de l’espace, souligne Florence Poncet.
Cette salle de bains est née d’une volonté de créer un cocon enveloppant et apaisant.
Dans la partie plus étriquée, en lieu et place de l’ancienne cuisine, la partie « enfant » concentre et imbrique, sur le linaire du couloir menant à la chambre, une multitude de fonctions : sanitaire, salle de bains, rangements et buanderie. Une optimisation au millimètre près ! In fine, un discours cohérent, ne sacrifiant aucun précieux mètre carré, reflet de la philosophie conceptuelle de Florence : des connections naturelles et essentielles, sans se départir d’une certaine poésie, privilégiant les logiques constructives responsables et une qualité de matériaux aussi esthétique que pérenne !