Au 3e étage d’un immeuble construit dans les années 1930, cet appartement a profondément changé son sens architectural et esthétique pour mieux répondre aux attentes familiales modernes des propriétaires. Sous l’œil averti de Franck Boguenet, fondateur de FB Studio, la rénovation a fait pencher la balance créative en faveur d’une identité graphique assumée. Rythmiques, harmonies et facettes.
Papier peint bayadère noir et blanc, composition style Mondrian, lé Art déco ou encore peinture du XVIIIe pixélisée… C’est le nouvel univers d’Éliane, de Marc et de leurs deux enfants. Mais avant d’arriver à ce résultat final, l’appartement a été entièrement repensé par Franck Boguenet : Nous sommes partis de zéro, le plateau évidé à 80 %. Il faut dire qu’il n’y avait ni moulure ni modénature ou cheminée, se souvient l’architecte d’intérieur. De plus, la configuration originelle n’était aucunement adaptée à une famille et encore moins au cahier des charges d’Éliane et Marc : trois chambres, deux salles de bains, une cuisine semi-ouverte et un espace polyvalent conçu aussi bien pour une utilisation home office ou familiale. Sans omettre le confort acoustique !
Ainsi, Franck Boguenet a revu l’ensemble de l’isolation phonique, intégrée dans les faux-plafonds qui accueillent les fluides, mais également les caissons des rideaux. Pour l’architecte d’intérieur une nécessité : Les propriétaires avaient cette appréhension du bruit, troquant avec cette rénovation le calme champêtre pour le brouhaha citadin. Nous avons donc déposé toutes les huisseries, refaites à l’identique en bois, au profit de double vitrage. Du point de vue des volumes, Franck Boguenet a pris le parti de créer une entrée digne de ce nom, absorbant une partie des éléments techniques et des rangements, qui pose immédiatement la rythmique graphique de la réalisation ainsi que le jeu de couleurs subtil et maîtrisé. Elle distribue progressivement l’espace salon et la cuisine particulièrement rafraîchissante.
Spécifiquement pour cette pièce de vie ouverte sur l’extérieur, l’architecte d’intérieur a revu le plan technique en inversant les évacuations d’eau. Une astuce qui lui a permis de libérer son accès et de dissimuler la « zone préparation », tout en laissant l’îlot lier visuellement la perspective terrasse/salon. Ce dernier évolue avec générosité à Lyon, mais également en Toscane, grâce au tableau mural XXL. Ce panoramique a une histoire, confirme Franck Boguenet. L’idée d’un panoramique exclusif était la garantie d’une identité forte et expressive. Il faut savoir que le Musée des beaux-arts de Washington met à disposition un certain nombre d’images d’œuvres, libres de droit. Parmi elles, j’ai trouvé ce visuel d’un tableau du XVIIIe siècle qui évoquait, avec son paysage
méditerranéen, les origines du propriétaire. J’ai utilisé seulement les 2/3 du tableau, volontairement twisté en noir et en blanc et sur lequel je suis venu redessiner des zones pixellisées en périphérie puis, sur le principe d’Andy Warhol, appliquer des ponctuations chromatiques, toujours décalées du sujet originel. L’ensemble a été mis à l’échelle puis imprimé sur une toile Jet Tex®. C’est la pièce maîtresse qui impulse au living son identité.
Pour la valoriser et l’atténuer, l’architecte d’intérieur a intégré un mobilier aux teintes plus sourdes, tout en reprenant le jaune ocre sur les éléments textiles. À ses côtés, la salle à manger remplit son objectif, tout en affirmant un style Mondrian. Comme souhaité, la salle de réception fait également office de bureau, selon les besoins d’Éliane. Afin de donner plus d’ampleur à la pièce face à la forte présence du panoramique, le jeu de peinture et le vaisselier mural dessiné sur-mesure lui confèrent du caractère, sans ostentation. La disposition des pièces de jour ordonne naturellement l’espace nuit : côté cour, les chambres d’enfants avec la salle de bains et la buanderie et côté rue, la chambre parentale, imaginée comme une suite, qui rompt quelque peu avec l’esthétique préétablie. Nous avons récupéré des portes en pin d’un appartement haussmannien, afin de créer des placards intégrés, comme s’ils avaient toujours été présents. Au lieu de les peindre, nous les avons laissées à l’état brut. La salle de bains s’est orientée vers ce choix de texture, céramique imitation bois. Le coin-lit reprend, quant à lui, les codes esthétiques précédemment énoncés. La boucle est bouclée !
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Photographe Sabine Serrad