On perçoit le bruit de l’océan, on ressent le vertige d’un sommet, on entend vibrer au loin le pas chancelant d’une ville, on discerne le parfum des fleurs… Avec sa sensibilité exacerbée par ses différents points d’ancrage – Verbier, Paris, Londres, Los Angeles –, la décoratrice franco- californienne Marianne Tiegen parle un langage perceptif unique. Elle a su capturer à travers ses expériences plurielles acquises sur les bancs de l’école d’art et de cinéma, au sein de l’étonnante pépinière de Petersham Nurseries, aux côtés de Francesco Boglione, dans sa façon de sourcer des antiquités et des objets pour des concept stores et des hôtels de renom, une forme de poésie narrative. Un œil curieux, filmique qu’elle projette dans ses réalisations depuis presque 20 ans.
Une enfant du monde qui, selon elle, ne s’arrête ni à un style ni à un pays. Quand je regarde mon équipe d’architectes, d’architectes d’intérieur, de décorateurs, je me rends compte de mon parcours atypique. Une époque où les rencontres traçaient autant de voies que de vocations. Par l’art et le cinéma, j’ai développé cette volonté de raconter des histoires. Par mes années en qualité de fleuriste, de peindre des lieux vivants.
L’environnement dans lequel s’inscrit une réalisation est la meilleure des muses.
L’aventure décorative commence en Suisse, traçant sur les versants helvétiques des trajectoires multiples. L’environnement dans lequel s’inscrit une réalisation est la meilleure des muses, confie Marianne Tiegen. Ville, montagne, bord de mer, l’authenticité ancrée dans son écosystème permet de concevoir des projets avec ce sentiment de « chez soi ». Et à Verbier, plus qu’ailleurs, on ressent cette notion de village ancien, même si tout a été créé au cours de ces deux dernières décennies !
C’est dans cette vision contextuelle qu’est né ce chalet, extrait d’un ancien petit hôtel, idéal pour cette grande famille excellant dans l’art de recevoir amis et proches. Nous sommes repartis de zéro, en simplifiant la lecture du chalet et en redistribuant les quatre étages, pour qu’ils correspondent à des moments aussi bien conviviaux qu’intimistes.
Ainsi, au verso, il renoue avec la tradition locale, blotti dans sa cape flambant neuve de vieux bois et de pierres du pays assemblées à sec. Au recto, il ouvre son esprit à des territoires enchantés. Puisque, dans sa quête d’un récit fusionnant le naturel, le goût du vrai et le supplément d’âme, Marianne Tiegen a su s’entourer de talents qui affinent sa démarche artisanale, inhérente à tous ses projets, éloignant d’un revers de main ciselée toute approche standardisée. Privilégiant les matériaux bruts et nobles qui évoluent avec le temps, leurs compétences apportent une sensorialité unique aux lieux que nous concevons. Ils ne sont rien de moins que le cœur et l’âme de nos projets, confirme la décoratrice.

La simplicité rencontre la sophistication, le brut s’oppose à l’extravagance, l’ancien coexiste avec le nouveau.
Emportés par cette nouvelle partition, les pièces de jour, les bureaux, les huit chambres, les espaces guest, la salle de cinéma et l’espace wellness se patinent au gré des savoir-faire dont elle a le secret. Des murs revêtus de bois ancien de grange alpine, des peintures minérales à la chaux, des pierres brutes oscillant entre personnalité bien trempée et respiration affirmée. Avec en tête d’affiche les textiles. C’est l’une de mes passions, confirme Marianne. Nous avons même développé des tissus en exclusivité à partir de teintures naturelles à base de fleurs. Des couleurs sur mesure, loin des pigments synthétiques aux répercussions écologiques désastreuses.
Marianne confirme : Notre style naît de la tension. La tension que nous créons lorsque la texture de grands rideaux anciens en lin contraste avec la pureté d’un canapé moderniste, lorsqu’une lampe américaine des années 1970 rencontre un meuble artisanal ancien patiné par le temps, lorsque des plantes sauvages des montagnes dialoguent avec une œuvre d’art contemporain, lorsque différentes époques cohabitent. La simplicité rencontre la sophistication, le brut s’oppose à l’extravagance, l’ancien coexiste avec le nouveau. Ces tensions constantes modulent l’espace nécessaire pour que le propriétaire se sente parfaitement à l’aise. Tout est dit.