Carré noir sur fond blanc, dixit les architectes Jean-Yves Arrivetz et Sébastien Belle (a2-Sb Architectes), à l’origine du projet. Par son instinct minimaliste et ses finitions sophistiquées, cet attique semble avoir naturellement déroulé des perspectives noir et blanc, contrepoints aux couleurs vives de la Presqu’Île, qui s’étend à ses pieds. Les deux concepteurs ont ainsi exposé la géométrie des volumes aux vibrations de la lumière et aux nuances de l’ombre et aux surfaces réfléchissantes. Diapositives.
La géométrie s’expose plus naturellement, dans l’ombre et la lumière.
Séduite par ce programme immobilier neuf, la propriétaire a fait appel au duo d’architectes Jean-Yves Arrivetz et Sébastien Belle, pour dompter les volumes. C’est le seul appartement livré totalement brut par le promoteur, soulignent les architectes. Une véritable carte blanche, plus précisément un RAL 9010, soit le coloris de la résine polyuréthane recouvrant le sol. Puisque ici, on parle d’aplats, mais tout en subtilités, pour mieux asseoir l’agencement laqué noir ou noyer. Jean-Yves Arrivetz confirme : Il faut avouer que nous avons toujours une hésitation sur la couleur et si nous privilégions habituellement le matériau, dans ce cas, la base est le blanc pur. Aux murs, nous tolérons un blanc nuancé « poussière de plâtre » qui crée une vibration au gré des heures. Au centre de ces considérations, à l’entrée de l’appartement, la boîte noire contient les gaines techniques, dissimulant le linéaire de la cuisine créé par Boffi Lyon et un bloc sanitaire. Un projet centrifuge, si l’on peut dire, confie l’architecte. Tout est parti de cette boîte noire projetant les perspectives monolithiques dans le reste de l’appartement.
Nous avons réfléchi l’espace, conditionné par une faible hauteur sous plafond. C’est donc un plénum, dont les corniches soulignent une surface de toile tendue, laquée noire, qui crée la mise en abîme
Dissimulant la partie nuit, plus nuancée, elle devient un objet de réflexion, renvoyant notamment, sur sa surface bois laqué miroir, l’image de la pièce maîtresse : le séjour. Ce dernier est né d’un souhait de la propriétaire : casser les codes, en inversant sol et plafond par un miroir, afin de marquer les esprits par cet effet d’immersion à part entière. Et ce n’est pas si évident ! Nous voulions éviter le piège des clichés, sourit Jean-Yves Arrivetz. Concernant l’espace, conditionné par une faible hauteur sous plafond, nous avons pris le parti de créer un plénum, dont les corniches soulignent une surface de toile tendue, laquée noire – et non miroir – qui participe à la mise en abîme. L’estrade, quant à elle, a été conçue afin de contrer la marche d’accès à l’espace extérieur, inhérente à la conception d’origine. Ainsi, poursuit Jean-Yves Arrivetz, nous avons pu nous affranchir des seuils et obtenir une vraie continuité de niveau et de matériaux, en prolongeant le chêne teinté à l’extérieur. Ce podium permet également d’intégrer l’ingénieux système de rails sur lequel viennent s’encastrer les assises mobiles et pivotantes, dessinées par les architectes. Comme un jeu de construction parfaitement axé sur les ouvertures cuisine et chambre, la composition s’adapte naturellement à l’usage.
Les portes coulissantes autorisent la confidentialité, la connexion et l’indépendance de chacun
La particularité du salon réside dans cette autre boîte, ici blanche, accueillant la cheminée effet de flammes, réalisée par Cheminée Gaudin, donnant accès directement à l’espace nuit, formant dans sa composition un L et, en premier lieu, à la master suite. La frontière entre ces deux mondes est marquée avec brio par la porte coulissante double face, recouverte, côté salon, de noyer, et côté dressing, d’un miroir. Un clin d’œil inversé aux deux fils conducteurs de chaque partie. Le jeu des transitions est essentiel dans cette réalisation, souligne Jean-Yves Arrivetz. Par le truchement des portes au fil du mur, toute hauteur, sans poignées et donc complètement invisibles, le couloir d’accès est dématérialisé. Elles autorisent la confidentialité, la connexion et l’indépendance de chacun. En enfilade, la master suite évolue au rythme d’un dressing, digne de ce nom, aux façades maillées de fer, se concentrant autour d’un meuble-îlot imaginé par les architectes.
Le flat design, la Suisse, illustrator, les premiers diagrammes de BIG, tout conduit les architectes, qui s’habillent en noir, à préférer le blanc… Arthur Kemp
De ce boudoir découle la coiffeuse, faisant face à la douche à l’italienne avant de plonger dans la chambre et sa tête de lit, là encore sur-mesure. Travaillé à l’horizontale, son calepinage s’aère de fins interstices, laissant le rétroéclairage filtrer. Il met en évidence le travail minutieux effectué sur l’éclairage, qui participe dans sa parfaite maîtrise au langage architectural du lieu, venant tour à tour souligner, ambiancer, ponctuer, flatter le propos volumétrique. Une nouvelle porte à galandage signifie la frontière avec le dortoir enfant, élaboré comme des cabanes. Les lits mezzanines libèrent le sol au profit d’une plus grande aire de jeux. Il s’ouvre sur l’arrière de la boîte noire culinaire et de facto l’entrée. La boucle est bouclée ! Au duo d’architectes de conclure, par une citation du livre d’Arthur Kemp, Bâtir le foyer blanc : Le flat design, la Suisse, illustrator, les premiers diagrammes de BIG, tout conduit les architectes, qui s’habillent en noir, à préférer le blanc…
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Photographe Erick Saillet