En ce lieu, le temps semble se rembobiner, avant de s’arrêter dans les années 1930.Au cœur de cet immeuble typique haussmannien indissociable de l’histoire « presqu’îlienne » lyonnaise, modénatures, corniches, marbres, boiseries, cheminées s’inscrivent dans le pur style Art déco, façonné tel quel en 1927 ! Après quelques menues transformations et sa touche personnelle, Odile nous ouvre les portes cintrées de cet appartement rare.
Préservant de toute sa ferveur le patrimoine hors normes de cet appartement, Odile nous laisse savourer dès les premiers pas le cachet exceptionnel de l’entrée. Cette galerie, desservant côté rue les pièces de vie et côté cour l’espace nuit, témoigne d’une époque où l’agencement intérieur écrivait ses plus belles pages chez les artisans, les ébénistes, les céramistes, certes plus décoratifs que structurels !
Tout est de 1927, confirme Odile. Et en l’état ! Chapeau bas pour le marbre, mais encore plus pour les miroirs qui sillonnent l’ensemble de l’appartement. Seules quelques corniches ont été sensiblement modifiées ou rénovées dans l’esprit de l’original. J’ai également enlevé quelques rondeurs murales et rajouté dans le couloir les caissons de plafond rétro-éclairés qui reprennent la rythmique de la décoration marbrière au sol et des boiseries aux portes, précise Odile, avant d’avouer avoir enlevé des piliers trop ostentatoires !
Le salon se teinte au fur et à mesure de chromatiques vitaminées et flamboyantes entre orange, rouge et rose. Elles se plaisent à réveiller la belle endormie encore engourdie par ce saut dans le temps, avec quelques étapes intermédiaires, imposées par Arne Jacobsen, en 1950, et son fauteuil Egg, avant de se retrouver propulsé au XXIe siècle par l’iconique lustre Vertigo de Petite Friture ou par la découpe laser des rideaux Sésame d’Élitis.
Tous les éléments Art déco sont de 1927 et en l’état !
Si la distribution des pièces a été revue et corrigée par Odile, intégrant la cuisine en lieu et place du coin bibliothèque ou une troisième chambre à la place du salon réceptif, une seule cloison a été érigée laissant les parois vitrées à galandage tenir le rôle principal. Dans l’espace nuit, la cheminée de la chambre invités, ainsi que la salle de bains méritent un arrêt sur image, revendiquant avec panache le mouvement artistique auquel elles appartiennent. La première, toute de miroir, de briques et de marbre, offre une vision rare et précieuse. La deuxième, emmenée par sa céramique jaune vieillie, sa corniche courbée, a remporté l’assentiment d’Odile, bien incapable de remplacer vasques et baignoire par des attraits plus contemporains.
De vous à nous, cela aurait été bien dommage ! La dernière chambre, sûrement la plus classique sur le papier, offre une tête de lit peu commune, auréolée d’une figure féminine XXL esquissée par le peintre et graveur lyonnais Étienne Couvert, que l’on retrouve en tête d’affiche dans le salon. C’était mon arrière-grand-père, nous confie Odile. Nous avons photographié des dessins retrouvés et les avons imprimés sur des toiles Jet Tex®, comme un papier peint. Ici, nous parlons bien d’une histoire d’héritage, celle de savoir-faire, dignes représentants « d’arts à vivre ».
—
Photographe Erick Saillet