Dans le XIe arrondissement de Paris, un appartement haussmannien de 115 m2 a été entièrement repensé par le Studio Etthem pour accueillir une famille de cinq personnes. Derrière la rigueur du plan, chaque détail raconte une attention portée à la vie quotidienne, à l’harmonie des volumes, à la beauté subtile des matériaux. Un projet dense, maîtrisé, où l’intelligence de l’agencement rejoint la sensibilité du dessin.
Il faut toujours revenir à l’usage pour que l’espace retrouve son sens. Pour composer des lieux qui vivent, commence Pauline Lorenzi-Boisrond. C’est la pierre angulaire d’un projet. Raison pour laquelle l’observation et l’écoute sont essentielles. Comment les gens rentrent-ils chez eux ? Où posent-ils leurs clefs ? Comprendre comment ils circulent… Ces gestes concrets racontent ce que l’on attend vraiment d’un lieu. Les fondations mêmes du Studio Etthem créé par l’architecte d’intérieur il y a tout juste sept ans. Avec en toile de fond une particularité, son expérience.
Il faut toujours revenir à l’usage pour que l’espace retrouve son sens.
J’ai évolué pendant dix ans dans le monde du cinéma, en qualité de productrice, avant de me reconvertir dans l’architecture d’intérieur, confie-t-elle. De cette décennie passée à construire des récits, elle a conservé un sens aigu du rythme, de l’enchaînement, de la précision du cadre, de cette capacité à raconter une histoire, confortée par son apprentissage sur les bancs de l’école Boulle. Avant d’être rejointe par Maxence Lesueur, son associé et designer, dont le parcours prend sa source dans l’atelier de menuiserie familial. J’aime les gens qui ont des profils totalement différents, sourit Pauline. C’est ce qui crée cette vision éclectique et aboutie d’un projet.
Cette démarche prend corps ici, dans cet appartement voué à accueillir un couple, ses trois enfants et ses trois chats. Pour Pauline : Tout l’enjeu était de redessiner les volumes pour faire tenir trois chambres, deux salles de bains et de nombreux rangements, sans jamais compromettre l’équilibre général. Lui est photographe, elle travaille dans la mode. Ils voyagent beaucoup, collectionnent les ouvrages d’art, les objets rapportés, les céramiques, les images. Il fallait que l’appartement puisse parler leur langage. Que chaque chose trouve naturellement sa place. Cette exigence silencieuse traverse l’ensemble de la conception.

La structure haussmannienne, altérée par le temps, n’offrait aucun élément à préserver, avec de nombreux décrochés au plafond, des transitions maladroites, cloisonnées de toutes parts. Il a fallu repartir d’un plan libre, avec l’objectif de faire coexister intimité, fluidité et confort. Et ce, dans une enveloppe de 115 m². Avec pour fil conducteur, un agencement cousu main par Woodbois et dessiné par le studio. Leur force. Nous dessinons absolument tout ! explique Pauline. Et pour que tout soit à l’image des esquisses, nous sommes très présents sur les chantiers. Accompagnés ici par l’entreprise générale SVA Rénovation.
Dès l’entrée, le ton est donné. Un sol en travertin et marbre rouge assoit un motif géométrique qui vient ponctuer l’espace et créer une première séquence. Le couloir d’origine, long et peu fonctionnel, a été partiellement repris pour accueillir un dressing parental. Il y a des rangements partout ! poursuit Pauline. Une condition sine qua non pour pouvoir absorber le quotidien. La pièce à vivre s’organise autour d’un salon traversant et d’une cuisine ouverte, pensée comme un véritable centre de gravité.
De toutes parts, les courbes ajustent le tracé. Les arches viennent ponctuer les ouvertures, relier les pièces, assouplir les transitions, les sols, aimanter la lumière. Cette écriture sinueuse, à la fois formelle et intuitive, se prolonge dans le traitement des matériaux : angles arrondis, poignées intégrées, plans de travail aux bords adoucis. Des liens précieux tissés dans ces détails qui font toute la différence, à l’image de la cuisine où chaque élément trouve sa place dans un dialogue fonctionnel aux textures variées de chêne teinté, de Taj Mahal, de laiton ou de pierre de lave, discernant subtilement la table encapsulée dans l’îlot. Et toujours ce travail de niches décoratives, d’étagères nomades qui parsèment chaque espace et relie l’agencement à l’architecture.
Créer des lieux joyeux, chaleureux, ergonomiques, où tout a été conçu pour accompagner un confort instinctif.
Pour accompagner cette vie foisonnante, Studio Etthem mêle avec adresse objets chinés, dessinés, récupérés. Jusque dans la partie nuit où l’ingéniosité conceptuelle prend le dessus, à l’instar de la chambre des deux filles où chaque centimètre a été optimisé sans renoncer à l’individualité. Sur quinze mètres carrés, deux lits, deux bureaux, deux rangements, un lit d’appoint chacun pour recevoir une amie, et une cloison coulissante intégrée dans la tête de lit, qui permet d’isoler les zones sans couper la lumière. Ou encore dans la salle de bains parentale pensée en double, pour s’aligner sur le rythme des propriétaires. Une façon de prolonger l’enveloppe domestique dans ce qu’elle a de plus intime. Ce qui nous anime, conclut Pauline, c’est de créer des lieux joyeux, chaleureux, ergonomiques, où tout a été conçu pour accompagner un confort instinctif.