Un pied dans le faste empirique, l’autre dans la modernité, au milieu, un mariage de perspectives et de styles. Un patrimoine rehaussé, une contemporanéité maîtrisée.
Stylobates, moulures, bois doré, hauteurs sous plafond vertigineuses… Le style Empire apporte toujours son lot de décors ostentatoires. Alors lorsqu’un appartement sur l’une des plus belles places lyonnaises s’approprie les talents de l’architecte Thierry Binachon et de Michel Bessoud (AEC Architecte) et des décorateurs de Maison Hand… imaginez le potentiel décuplé !
Horizontal et vertical
L’entrée donne le ton. Côté cour, à travers une fenêtre majestueuse drapée de tissus Dedar, un espace sombre se dessine. De l’autre, le regard s’abaisse happé par une galerie de rangements aux perspectives fuyantes en direction de la suite parentale, avant de nous conduire aux portes de la cuisine, pièce centrale. Elle nous fait lever la tête à plus de 4 mètres et ouvrir la bouche bée. De toute part, la profondeur des champs saisit les volumes. Une volonté de Sandrine : « J’aime qu’un lieu soit ouvert, démultiplié par des perspectives. Je ne supporte pas de me retrouver dans un mur ! À l’origine, il était difficile d’ouvrir la fausse porte entre le salon et la cuisine. Michel Bessoud a trouvé une solution, qui me permet aujourd’hui d’avoir cette perspective fuyante, accentuée côté entrée par un miroir. » La cuisine prend ses assises dans un lieu à sa mesure. Contemporaine, elle répond au souhait de notre hôtesse : « une cuisine qui n’en a pas l’air ! Je voulais un lieu moins formel où mes amis se sentent à l’aise. »
Entièrement réalisé par Modulis (Lyon 6ème), l’espace culinaire s’est inspiré dans ses choix de matériaux d’un meuble de Christophe Pillet, Long Island, de chêne, de marbre et de bronze. Élément vibrant, la console a donné le tempo à cette réalisation cousue main. La bibliothèque toute hauteur ceinture le module cuisson, dérobé aux regards par des portes rentrantes coulissantes. Le lustre majestueux de Henge ponctue le coin-repas, le bijou de robinetterie Cyprum, savant dosage entre or 18 carats et cuivre, est, quant à lui, le seul témoin d’une présence propice à la préparation. Dans cette pièce, le moderne et l’ancien dialoguent plus que jamais. L’intégralité des moulures a été recréée et restaurée par la menuiserie Nico à l’origine de la galerie de rangements marquant l’entrée. Mais ne trépignons pas d’impatience en apercevant quelques bribes du salon.
Prestige retrouvé
56m2 d’éloquence empirique. Nous ne pouvons que nous incliner devant le travail d’Elise Bessoud, sculptrice, patineuse, ornementaliste (Cathédrale Saint-Jean), qui a rendu vie au bois sculpté. Elle a su restaurer l’existant, reproduire l’absent, dépoussiérer le patrimoine jusqu’à l’habillage des cheminées. Pour Sandrine, une rencontre : « un véritable travail d’horloger ! Elise a passé plus d’un mois à recréer. Sa passion est contagieuse. À ses yeux, chaque pièce était un trésor. Même si mes goûts penchent en faveur du contemporain, il était impératif de conserver cet héritage. Dans les autres pièces, l’essentiel a été préservé, mais je ne voulais pas faire du faux-vieux. Autant prendre le parti de la modernité. »
Et le résultat est au rendez-vous. Un esprit retranscrit avec brio par le duo de décorateurs Pierre-Emmanuel Martin et Stéphane Garotin. Le mobilier assoit ce doux mélange, aux sonorités chaudes délivrées par les peintures Ressource, la chaleur du tapis conçu sur-mesure, le canapé renversant Living Divani, la table Saint-Paul… Le sens du détail interpelle. « Nous nous sommes posés des questions sur chaque élément. Nous ne pouvions quand même pas mettre des interrupteurs, ni des poignées blanches ! » Les poignées de porte choisies chez Thivel & Béréziat (Lyon 7ème) et les va-et-vient Art’Arnould, proposés par l’électricien, finissent le décor. Sandrine tient à saluer le travail d’orfèvre de ce dernier, Eleccréation (Vaugneray).
Rien ne dépasse, rien ne se voit, hormis le parti pris des luminaires Delta Light, l’iconique Mantis de Schottlander (DCW Editions) et son homonyme Serge Mouille, décliné sous toutes ses formes. Un joli fond sonore ne quitte jamais l’appartement. « Je ne vis pas sans musique ! Mes playlists tournent en continu. » Raison pour laquelle Sandrine a sollicité l’expertise de Tedd Connexion (Lyon 6ème). De part et d’autre des cheminées, les enceintes en verre du constructeur français Waterfall sont connectées à sa playlist exhaustive, plus à même de restituer un son rond dans un lieu de cette hauteur. En termes d’intégration, nul ne voit la télévision habilement dissimulée derrière le miroir sans tain trumeau, ainsi que l’ensemble des enceintes parcourant l’espace nuit.
Troisième ambiance
En parlant des chambres, direction la suite parentale. Entre deux mondes, elle se rehausse aujourd’hui d’une mezzanine sculptée verticalement par l’escalier en métal conçu par Kozac (Lyon 2ème). L’implantation surprend, mais s’inscrit dans une pure logique de transparence au sein d’un volume confiné. La douche en verre joue les voyeuses, d’une blancheur contemporaine griffée agape et d’un grès cérame sélectionné chez Bernard Ceramics (Tassin-La-Demi-Lune). Un dressing fermé aurait écrasé la pièce, alors que la création aérienne réalisée par Boffi ouvre littéralement l’espace. Il est temps d’explorer la deuxième partie de l’appartement, côté cour. Le petit salon rompt avec toutes les ambiances précédentes. Comme un coup de cœur au sein de ce lieu déjà époustouflant, la bibliothèque en coursive ajoute une aura supplémentaire. Agrandie lors des travaux de rénovation, elle joue le jeu jusqu’au bout de l’esprit cosy, accentué par la peinture sombre. Un esprit cosy parfaitement retranscrit par le canapé imaginé par Sarah Lavoine, à la profondeur d’assise plus qu’engageante, réalisé sur-mesure par Maison Hand (fan inconditionnel !).
La designer parisienne qui n’hésite pas à vitaminer le mur de la chambre d’Emily, la fille de Sandrine, avec son « Bleu Sarah » Ressource, habillé de ses miroirs Ovo et Organique. Du cachet, de la chaleur, du goût, de l’authenticité, sur un fond d’harmonie… Nous retrouvons la griffe de Pierre-Emmanuel et Stéphane. Pour Michel Bessoud, « il était impératif de conserver les stigmates du lieu, tout en ajoutant de la modernité, tant visible qu’invisible. Le chantier a été complexe mais d’une complexité agréable ! Nous avons eu la chance d’avoir à nos côtés une femme de goût : Sandrine, sans omettre un lieu très positif et grandiose mais non prétentieux, revalorisé en synergie avec de grands partenaires. »
Photos Sabine Serrad