Après quelques années au sein de l’agence d’architecture Jacques Ferrier, Florent Chagny vole de ses propres ailes et conçoit dans la foulée son premier projet en solo, sous les toits d’un immeuble parisien datant du XIXe siècle.
Sollicité par de jeunes propriétaires primo-accédants, l’architecte a repensé le propos conceptuel, non sans une certaine ingéniosité, des partis pris assumés et un souci du détail maîtrisé. 50 m2 optimisés au millimètre près.
Remise à zéro
Photos avant travaux
Dans son jus depuis les années 70, ce duplex est le fruit de divisions de lots successives. Sous le regard attentif de Florent Chagny, l’exercice architectural soulève immédiatement les contraintes pour mieux les contourner : un manque évident de lumière naturelle, une cuisine borgne, une accessibilité difficile à la mezzanine matérialisée par un escalier en colimaçon et une configuration exiguë avec seulement quatre mètres de largeur.
Qu’à cela ne tienne ! Florent Chagny décide en toute logique de tourner le regard du duplex vers les fenêtres à colombage afin de récupérer un maximum de lumière. Ainsi, les cloisons s’envolent au profit d’une pièce de jour généreuse de 30 m2. Structurellement, l’appartement était en parfait état. Juste, les ouvertures ont été changées pour gagner en confort thermique. Ainsi, nous avons pu nous concentrer sur le cœur même du projet : l’optimisation de l’espace. Dès lors, le sur-mesure s’inscrit comme une nécessité.
Mise en œuvre personnalisée
L’architecte apprivoise les mètres carrés avec des matériaux industriels, qu’il peut facilement façonner pour confectionner un agencement « gain de place ». Sensible à ce style, les propriétaires lui laissent carte blanche. Fil d’Ariane, l’OSB s’érige en maître des lieux, avec le concours d’un menuisier, au sol et sur les façades de cuisine et les meubles dessinés par Florent Chagny. Ce matériau, constitué de plusieurs couches de lamelles de bois compressées, s’illustre en temps normal davantage dans les coulisses de la construction.
Le matériau n’est qu’une base, c’est la manière dont il est mis en œuvre qui change la perception même d’un projet.
Pourquoi ce choix ? Premièrement, parce que c’est un matériau qui nous parlait à tous les trois et qui présente de nombreux avantages : de très bonnes performances mécaniques, une grande légèreté et une manipulation extrêmement simple. Et de surcroît, il est facile d’entretien et économique ! Avec un budget de 37 000 euros, il fallait trouver des solutions qui répondaient aux attentes des propriétaires, à savoir insuffler une valeur ajoutée à la conception. Il nous a également permis de combler les défauts de planéité, au sol. Ici, on lui a volontairement laissé son caractère brut, protégé par simple vitrification. Le matériau n’est qu’une base, c’est la manière dont il est mis en œuvre qui change la perception même d’un projet, explique Florent Chagny.
Et c’est dans l’acier que l’architecte affine l’esthétique brute de l’OSB. Sur les façades de la cuisine, de fines cornières en inox soulignent le matériau et le protègent de l’utilisation quotidienne. En lieu et place de l’escalier en colimaçon et du garde-corps en bois, l’acier prend la relève. Dessiné par l’architecte, cet ensemble s’illustre par un sens du détail et une précision sur les finitions dignes d’un horloger, de l’insertion des tiges d’acier dans le limon, jusqu’à la forme galbée de la main courante.
Usiné par un serrurier en atelier, l’élément vertical, d’une seule pièce, a été imaginé plus comme une échelle, clipsée sur le profilé métallique marquant l’espace mezzanine. Viennent s’encastrer les modules de rangement, accompagnant la pente. Dans cette veine, la cloison vitrée permet d’accéder au niveau supérieur, grâce à un vantail coulissant. Plus cosy, le coin nuit bénéficie d’une double exposition, celle des chiens-assis en contrebas et des deux fenêtres de toit, côté cour. Dans le prolongement, le dressing intégré utilise l’espace sous-pente. À ses côtés, la salle de bains, qui fera l’objet prochainement d’un petit relooking ! L’appartement a gagné en luminosité et en confort. Pour Florent Chagny, l’identité forte d’un lieu passe par le souci du détail, dont découle la valeur ajoutée d’un projet. Il ne faut pas s’attacher à la forme pour la forme. Chaque élément découle d’une fonction, qu’il ne faut pas perdre de vue, et qui donnera au geste architectural son sens, sa pertinence, voire son élégance.
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Photographe Camille Gharbi.