De patios en jardins privés, en passant par le gigantesque parc d’un hôtel au Portugal sur lequel il travaille actuellement, Jean-Baptiste Lainé, fondateur du studio Atlas Paysages, sculpte la nature en toute subtilité, se joue de ses couleurs et de ses textures pour distiller un art du paysage sensible, continu et mouvant, fait de successions de tableaux plantés et fleuris à perte de vue ou en premier plan, à partir desquels l’espace prend sa forme.

Il faut être très patient lorsque l’on travaille avec la nature.
Il faut être très patient lorsque l’on travaille avec la nature. Des années sont nécessaires, au moins deux, après la livraison du projet, pour que ce qui a un jour été tracé dans un carnet de croquis trouve sa pleine expression, soit beau, nous surprenne, même parfois, raconte le jeune paysagiste. Dans un aménagement qu’il réalise sur le toit du fort de Vaise en 2015, il travaille par exemple des associations de plantes et de floraisons, qui en fonction des saisons, transforment presque totalement le visage du jardin. L’espace est restreint, en pente qui plus est. Mais peu importe la surface. La matière vivante, bien choisie, s’exprime, volubile et changeante. Au printemps la sauge, les fétuques, les érigerons (aux allures de petites marguerites) et les gauras s’épanouissent pleinement, pour passer en douceur le relais aux sédums et au feuillage des santolines, lorsque l’automne arrive, offrant alors à la vue des passants un tableau tout autre.
Les végétaux, ce sont des couleurs, des formes, des textures.

Jouer avec eux, composer des partitions végétales saisonnières est ce que j’aime particulièrement dans mon métier. Formé à la rigueur du projet, à la technique et à la botanique à l’école Lullier, la Haute École du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, après une année – très formatrice – passée comme ouvrier dans une entreprise du paysage, il développe sa sensibilité et sa créativité chez le paysagiste Louis Benech, avant de collaborer avec un cabinet d’architecture. D’ailleurs, il confie avoir un temps hésité entre les deux carrières. Mais l’appel du vivant l’emporte et le pousse à créer sa structure en 2015 : Atlas Paysages. Depuis, de patios en jardins urbains, de parcs privés en complexes hôteliers (en France et depuis peu à l’étranger), il intervient sur des typologies de projets particulièrement variées : des tailles et formes des parcelles, à la topographie, en passant par la nature des sols, le climat, les envies de ses clients aussi. Son humus ? Une priorité donnée au contexte, à la nature elle-même, à l’eau. Et un goût prononcé pour le minimalisme.
Un jardin est tellement subjectif. J’essaie d’apporter ma vision… et mes convictions ! Toucher le moins possible au contexte naturel, à la végétation existante est un défi qui vaut la peine d’être relevé. D’autant que la nature travaille souvent bien mieux que nous. J’aime les jardins sobres avec des lignes, des cadrages, des cheminements discrets, parfois dissimulés dans le gazon. J’utilise des essences locales. La mode, les effets de style m’intéressent peu. Et surtout, je cherche à infiltrer l’eau au maximum. Imperméabiliser les sols avec des chapes en béton est un non-sens pour moi. Je travaille beaucoup avec des pas japonais, des éléments minéraux facilement intégrables et qui ne nécessitent pas d’habillage.

Une approche qui n’a d’ailleurs rien à voir avec la taille de la parcelle. Parmi ses réalisations en cours, Jean-Baptiste Lainé a en quelque sorte « scénographié » le parc d’un collectionneur dans le sud de la France. Au bout d’une forêt de pins, sous la cime desquels il s’est amusé à cadrer de larges perspectives, soulignant ainsi l’axe principal du paysage, une généreuse ellipse en charmilles se fait l’écrin d’une éventuelle œuvre d’art… L’approche est essentielle, pour mieux laisser à la nature, un rien domestiquée, toujours avec respect, toute la puissance de son expressivité.