Pour Véronique Godefroy, coloriste en architecture, ce serait plutôt un langage, qu’elle explore au quotidien et enseigne avec passion aux étudiants de l’école d’architecture d’intérieur ESAIL. Ou encore, qu’elle partage lors de conférences, à l’instar de l’Atelier Couleur, initié en marge du concours Lyon Shop Design. Leçon particulière !
Coloriste en architecture : pouvez-vous nous en dire plus ?
V.G. : Je suis une « travailleuse » des Arts appliqués. Au sens littéral, j’applique un art à une fonction. Je n’exprime pas mon bon goût, je réponds à une demande. Mon métier consiste donc à accompagner la qualification de l’espace en vue de l’usager, portée par ma capacité à voir l’espace et à comprendre la problématique de départ.
Comment aborder la couleur ?
V.G. : Que ce soit sur un plan décoratif, architectural ou à l’échelle de l’urbanisme, l’appréhension de la couleur reste la même. Elle doit faire sens et avoir un objectif. Ce n’est pas un élément de décoration, au même titre qu’un meuble ! C’est un véritable outil qui crée l’espace. Comme sa capacité à narrer une histoire, la couleur raconte également un lieu. La définition de l’intention est donc primordiale : pourquoi l’espace nécessite-t-il l’apport de la couleur ? D’un point de vue résidentiel, la tâche se complexifie. Il faut tenir compte des projections sociétales et se situer parmi elles. Dans cette démarche, des « influenceurs » tels que Pinterest sont très intéressants et permettent de se constituer un univers de références pour mieux guider ses choix et ses envies.
Tout est une questions de goûts ?
V.G. : Assumer ses choix en matière de couleur demeure un exercice particulièrement difficile. Si je dis « rose », chaque personne aura une teinte différente à l’esprit. Et celle qui vient en premier ne saura pas forcément celle qui trouvera sa place dans notre intérieur. De plus, dans la démarche couleur, la notion de « j’aime/je n’aime pas » s’instaure très facilement ! Mais, il ne faut pas perdre de vue qu’à l’instar de la musique, il est nécessaire d’avoir toutes les notes pour composer un projet couleur ! C’est une vision d’ensemble.
Il n’existe aucune recette toute prête ni de principe établi. Il n’y a que des problématiques auxquelles l’expertise couleur apporte une réponse.
Quelle est la bonne recette ?
V.G. : Il n’y en a aucune ! L’utilisation de la couleur peut réduire un espace, l’amplifier, générer une sensation de bien-être ou inversement ! Son potentiel est infini. Mais il ne suffit pas d’avoir des envies. Il faut que cette envie se confronte à une réalité spatiale et bien sûr à son goût personnel. Autrement dit, il faut que ses appétences aient un point d’ancrage. En décoration, il est plus simple de travailler la gamme de couleurs à partir d’un rideau, d’un mur en pierre… S’appuyer sur un meuble demeure plus sensible, sauf si c’est une pièce forte qui a du sens. Mais, quels que soient les choix, testez la couleur directement dans l’environnement et le contexte dans lequel elle évoluera. Bien évidemment, il existe des outils pour permettre de maîtriser la conception chromatique… Ce que nous appelons « la planète couleur ». Ainsi, nous pouvons travailler sur les harmonies, les niveaux de saturation, les contrastes….
Y a-t-il des contresens à éviter ?
V.G. : Je ne peux pas affirmer : le rouge ne va pas dans une chambre, le jaune est à bannir dans une cuisine ! Tout est possible. Tout s’inscrit dans la capacité narrative de la couleur. Si vous racontez une histoire, vous ne pouvez pas vous tromper. Du point de vue de la quantité, je constate que cette notion fait l’objet d’une mauvaise connaissance. Il ne faut pas confondre couleurs et valeurs. Un jaune vif, paille, orangé… ce sont une seule et même couleur, mais dégradées. Là où certains pensent avoir cinq couleurs, il n’y en a en réalité que deux. En ce sens, cela ouvre de nombreuses perspectives. Ce qui n’est pas souhaitable, c’est d’avoir du rouge, du bleu, du vert… sauf bien évidemment si cela participe à la narration conceptuelle. Dans un projet couleur, ce qu’il ne faut pas perdre de vue demeure la vision d’ensemble. Même s’il n’y a pas de covisibilité entre les couleurs au sein d’une même maison, il est nécessaire, sur le papier, d’associer les teintes entre elles et de penser la palette dans sa globalité, afin d’évoluer dans un ensemble cohérent.