C’est un lieu où la création semble converger inéluctablement, aimantée par deux personnes : Armel Soyer et Gilles Pernet. Catalyseurs d’artistes internationaux, ils ont pris le parti de prolonger leur concept de galerie-résidence initié à Megève, au cœur du pays varois. Sur un coup de tête… un coup de cœur, ils ont créé à Gassin un nouveau temple d’esthètes dans une maison aux effluves provençaux. Vibrations.
Parcours imaginé comme un voyage à travers les matières, les textures et la création, cet espace hybride prend la mesure de son temps à l’épicentre d’un des plus beaux villages de France. Il prolonge les univers du design et des Arts décoratifs du XXIe siècle, patiemment tissés par Armel Soyer dans ses galeries parisiennes, mégevanes et tropéziennes. Mais également celui de son concept Design at Summit, créé en 2019 dans son antre familial : premier théâtre immersif contextualisant des pièces d’artistes-designers au sein d’une ferme typique mégevane. À Gassin, c’est au tour de Gilles Pernet, son associé, de prendre ses quartiers d’été à l’année et de faire évoluer la curation exceptionnelle de talents émergents ou d’artistes reconnus, sous l’astre azuréen.
Nous aimons investir des espaces avec une histoire, pour mieux raconter celle de nos artistes.
C’est un concours de circonstances, confie Armel Soyer. Une simple balade nous a conduit dans ce village médiéval, un belvédère naturel balayant d’un seul regard le golfe de Saint-Tropez, la baie de Cavalaire jusqu’aux îles d’Hyères et le massif des Maures. À peine sommes-nous arrivés qu’un panneau à vendre nous montrait le chemin ! Nous sommes tombés immédiatement sous le charme de cette bâtisse. Une voie toute tracée à travers les ruelles fleuries, les façades polychromiques solaires et la vue panoramique de la place Deï Barri. Cochant toutes les cases chères au tandem – un cachet naturel distillé par une architecture vernaculaire haut perchée –, la résidence en bon état est le fruit de la réunification d’une maison et d’une grange.
C’est avant tout un dialogue, confirme Armel Soyer. Nous aimons investir des espaces avec une histoire, pour mieux raconter celle de nos artistes. Notre but n’est pas de dénaturer ! Bien au contraire, nous préservons l’âme pour instaurer une connexion entre le design contemporain et les volumes. Ce qui nous plaît dans ce genre d’exercice, c’est le choc entre la maison au demeurant classique et la narration artistique qui prend vie au sein des volumes intérieurs. Ici, les éléments patrimoniaux – poutres apparentes, sols et platelage en terre cuite – ont été soigneusement conservés. Hormis la cuisine et les chambres du rez-de-chaussée, nous n’avons pas changé l’architecture d’intérieur, parfaitement équilibrée, souligne Armel Soyer.
Nous préservons l’âme des lieux pour instaurer une connexion entre le design contemporain et les volumes.
Nous sommes à l’antithèse des œuvres sur cimaises. Ici, chacune résonne avec l’environnement.
Gilles Pernet a par la suite imaginé l’intégralité de la scénographie, twistée par des touches chromatiques minérales, inspirées par le rocher saillant qu’il a lui-même découvert, dissimulé dans un placard ! Ainsi, le rouge étrusque amène au safran, habillant respectivement la salle de bains, créée de toute pièce, et le couloir de l’entrée. Pour Armel Soyer, une nécessité : Il fallait accentuer le caractère même du lieu, en illuminant les endroits sombres avec des couleurs profondes. Les espaces lumineux sont quant à eux revêtus de patines faites à la main par Gilles, davantage silencieuses pour permettre aux œuvres de s’exprimer pleinement. Afin d’accompagner ces dernières, comme il se doit, la galeriste a réitéré sa collaboration lancée à Megève, avec les éditeurs textiles Dedar et Bisson Bruneel ainsi que les papiers peints Iksel et les robinetteries THG Paris.
Des partenaires d’exception partageant les mêmes sensibilités pour le beau et la création, auxquelles s’ajoutent trois nouvelles maisons. La première, Atelier Tortil s’inscrit dans cette réalisation avec la collection de tapis Méditerranée, au tissage sophistiqué de laine, rafia, jute, lin, coton ou soie, noués main. La deuxième représentée par Blanc Carrare, marbrier façonnier depuis 70 ans labellisé Entreprise du patrimoine vivant, choisi pour sublimer les salles de bains et la cuisine. Nous souhaitions un partenaire de haut vol, avec cette acuité et ce savoir-faire intrinsèques à chacun des acteurs présents. Au-delà d’une association, ce sont des rencontres liées par une passion et des exigences communes, sourit Armel Soyer. Véritables chefs-d’œuvre, les pierres sélectionnées par Jacqueline Lestingi-Faure, à la tête de la marbrerie depuis 1998, font littéralement vibrer les espaces.
Dans notre démarche, nous sommes allés encore plus loin en invitant trois de nos artistes à fusionner avec l’architecture.
Naît ainsi une nouvelle forme de contact émotionnel et poétique en prise avec le lieu ainsi qu’avec les œuvres d’art et de design contemporain. Dans le mouvement et l’intelligence créative, les pièces uniques – mobilier, luminaires, arts de la table, œuvres murales, miroirs, etc – se tutoient, s’individualisent, s’associent et se répondent, gommant les frontières artistiques. Plasticiens, artisans céramistes, sculpteurs bois ou textiles, photographes, verriers, vitriers, forgerons, bronziers, vanniers ou encore dessinateurs, venus des quatre coins du monde, trouvent ici un écho à leur virtuosité.

Nous sommes à l’antithèse des œuvres sur cimaises, remarque Armel Soyer. Ici, chacune résonne avec l’environnement. Dans notre démarche, nous sommes allés encore plus loin en invitant trois de nos artistes à fusionner avec l’architecture. Christian Caulas, à l’origine de cette paroi et de ces niches presque argileuses, aux formes organiques sculptées dans le plâtre ; Alix Waline avec sa fresque murale apprivoisant le salon, à l’esthétique pointilliste suivant la ligne des vallons qui dansent derrière la fenêtre ; Coralie Bonnet qui a créé pour la première fois des appliques extraites de son savoir-faire de sculptrice-céramiste. Notre but est de mettre en avant leurs talents par un geste artistique fort, au service d’une esthétique et d’une fonction. Et par là même, de susciter des envies et de composer des univers singuliers, conclut Armel Soyer. Un lieu donc habité, dans les deux sens du terme, joliment baptisé maison Bellevue aux portes entrouvertes à tous les curieux et à tous les collectionneurs.