Un voyage stylistique spatial et temporel nous conduit dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, sur la rive gauche d’un Paris façonné sous le Second Empire par le baron Haussmann. Le terrain de jeu de l’agence d’architecture d’intérieur Girodroux & Delpy déroulant un fil d’or conceptuel brodé d’art et d’artisanat, ourlé d’une empreinte contemporaine saisissante.
Rompus à cet exercice dans les domaines résidentiels, hôteliers et tertiaires depuis leur rencontre sur les bancs de l’École Bleue, Laure Girodroux et Louis-Henri Delpy aiguisent, depuis 20 ans, leur sens inné des arts appliqués à l’architecture d’intérieur. En premier lieu dans des agences de renom, telles Ora-ïto et Marcelo Joulia, pour Laure, Tristan Auer et Jean-Louis Deniot, pour Louis-Henri. Avant de convoler, main dans la main, au sein de leur propre studio. Naît ainsi en 2013 un univers hybride, à la croisée de leurs expériences transversales.

Un langage idéel où le patrimoine et la modernité s’amusent à recréer une forme de contact émotionnel avec l’environnement. Notre démarche s’inscrit dans une vision aussi plasticienne que technique, toujours à la limite de l’artistique par l’entremets d’une matière, d’une esthétique, d’une œuvre unique, confie Laure. Avec cette volonté prospective de valoriser l’artisanat français. Nous sommes profondément attachés à la perception créative des ateliers ou encore à celle des galeries. Des regards croisés, donc, au centre de deux mondes : le leur. Et plus particulièrement en ce lieu.
Toute la réussite de cette rénovation s’inscrit dans la prise de risques des propriétaires et leur souhait de découvrir, sans aucun a priori, d’autres horizons.
Sollicitée par un couple désireux de reconsidérer leur antre familial – à l’heure où leurs enfants voguent vers de nouveaux projets –, l’agence Girodroux & Delpy a pris la mesure d’un temps recomposé, à la recherche d’une seconde vie. Il n’est pas si facile de réinventer son quotidien, souligne Louis-Henri. Toute la réussite de cette rénovation s’inscrit dans la prise de risques des propriétaires et leur souhait de découvrir, sans aucun a priori, d’autres horizons. L’un très moderne, nourri par madame, à l’œil aguerri par l’art et les objets contemporains. Le deuxième, davantage historique, porté par monsieur. Notre rôle a été de cristalliser ces deux aspects de leur personnalité et de les recentrer au sein d’une réalisation percutante, un lieu dans lequel le couple puisse se retrouver.
Dès lors, nouvelle donne. Les 220 m2 sont rebattus sous l’impulsion d’une ascendance ornementale remarquable. C’est pratiquement un cas d’école, sourit Laure, réinterpréter un lieu bourgeois, le valoriser et le conduire avec sensibilité dans le XXIe siècle, sans perdre de vue son identité architecturale. Et derrière cette apparente enveloppe patrimoniale, d’invoquer une technicité d’orfèvre, avec en filigrane un univers ultra-connecté. La restauration des parquets d’origine, des rosaces, des corniches et des moulures a ainsi fait l’objet d’un travail de fond incroyablement minutieux.
Une démarche à la limite de l’artistique par l’entremets d’une matière, d’une esthétique, d’une œuvre unique.
Tous les fluides, le réseau électrique et les équipements s’intègrent savamment dans les sols ou dans les plafonds. Pour ce faire, le duo n’a pas hésité à dissimuler les radiateurs derrière des grilles invisibles aux couleurs du parquet ou de la pierre, à recréer des estampes confectionnées par l’Atelier Tollis sur la base d’empreintes siliconées des moulures existantes ou des créations originales dessinées par les architectes d’intérieur.
Alors que la pièce réceptive évolue en enfilade au contact des deux bureaux à l’image respective des propriétaires, la cuisine et le hall d’entrée assument leur prestance contemporaine de concert. Sous l’égide d’un « colorbloc » minéral, l’espace culinaire ne se dément pas. Dans son empreinte monolithique résolument graphique, il convoque cette vision de « pièces exclusives » tant recherchée par la propriétaire où la décoration fusionne avec l’art.
Un travail de fourmi qui confère à la réalisation toute sa cohérence.
Une personnalisation que l’on retrouve subtilement sur la trame des portes carrossées d’une peinture anthracite à l’effet graphique mat et satiné, clin d’œil à l’artiste Georges Rousse, sur la ligne des canapés conçus par Girodroux & Delpy… Ou de manière plus poétique – telle une brume matinale normande, dixit Laure –, dans les strates du revêtement décoratif ; une tempera constituée de matières appliquées sur site, réveillée par des inclusions de feuilles d’or.
Chaque détail compte, poursuit Louis-Henri. Un travail de fourmi qui confère à la réalisation toute sa cohérence. À l’arrière de l’appartement, une autre atmosphère émerge. La suite parentale prend ses aises dans une aile greffée au corps central de l’immeuble. Une curiosité architecturale dénuée d’éléments patrimoniaux, mais qui ne manque pas de luminosité avec ses six ouvertures. Enveloppée d’une moquette pure laine et de soie gainée, elle s’apparente à un nuage où l’ergonomie prédomine. C’est une pièce d’une incroyable douceur, confirme Laure. La synthèse d’un luxe délicat à l’équilibre entre simplicité et virtuosité, rigueur et créativité.