Avec Beyond, le CAUE Rhône Métropole invite l’anthropologue Philippe Somnolet et le photographe Franck Boutonnet du collectif item à partager leur travail documentaire sur Dubaï. Quatre chapitres au-delà du regard marquant le deuxième temps du cycle « La nature en ville », après les Forêts verticales et Métropoles biodiverses de Stefano Boeri Architetti.

Révélations
Dans le processus canonique de développement argentique, la naissance au monde visible de l’image suit son immersion dans le bain révélateur, baptême chimique permettant à la photographie de s’accomplir dans sa finalité : révéler les intentions de son auteur à travers son énoncé iconographique. Car la photographie révèle toujours plus qu’elle ne montre dans ses fragments choisis du réel. Quant au regard des photographes, il transperce davantage qu’il ne voit pour aller de l’autre côté de l’immédiateté. Preuve en est avec Beyond. Fruit d’une collaboration entre un photographe et un anthropologue (Franck Boutonnet et Philippe Somnolet, tous deux membres du collectif item et déjà conjointement à la manœuvre pour Autostrade), cet ambitieux projet documentaire en quatre volets raconte le Dubaï d’aujourd’hui. Quatre approches complémentaires, entre le reportage et l’art, qui par contiguïté dévoilent les dessous, les à-côtés et esquissent un devenir de la cité émiratie, île minérale noyée dans un océan de silice.
Rêves d’élévation
Gagnée sur l’aridité du désert, cette ville marque est, au choix, une folie environnementale ou l’orgueilleuse démonstration que l’Homme peut dompter la Nature. Mais à quel prix ? Aspirant à une urbanisation occidentale superlative en puisant dans des fonds illimités, Dubaï se bâtit selon la carte de ses désirs, plus vite qu’un décor… au risque cependant d’en conserver certains stigmates. Si la série Workfields aligne une vertigineuse suite de façades en travaux, dans une continuité frontale hypnotique rendant compte de l’inachèvement perma nent du « concept » dubaïote, Behind Billboards renvoie au factice de l’ensemble en représentant au premier plan l’envers des panneaux publicitaires, versos émoussés d’un rêve fragile.
Vivants, après tout
D’autant que cette utopie nécessite pour l’édifier des bras et des âmes. Workers, capte en noir et blanc ces invisibles, main-d’œuvre importée d’Inde, de Malaisie, d’Afrique ou de Chine, donnant leur corps pour donner corps à Dubaï. Enfin, Trees isole des résistants : ces arbres tors ou déplumés, subsistant depuis des décennies dans le désert, et pourtant en sursis au milieu des chantiers et des buildings. L’absurdité normative refuse en effet cette végétation endogène, lui préférant des arbres bien droits… mais inadaptés aux conditions climatiques et nécessitant une irrigation délirante. Une agriculture irraisonnée, en somme, qui n’est sans doute pas un modèle de « nature en ville » à suivre…