Pour célébrer le demi-siècle de la conquête de la Lune, Vincent Fournier expose sa vision d’un futur immédiat et d’un présent parallèle dans de troublantes photographies où la science vient chatouiller les consciences pour le plaisir de l’âme. Ignition !
Lorsqu’on est né après que l’Homme a posé le pied sur la Lune, l’utopie spatiale est-elle encore possible ?
V.F. : Découvrir notre Terre vue du ciel, si vulnérable, a produit une rupture épistémologique et a contribué à développer une conscience écologique. Le rêve s’est depuis un peu essoufflé, la NASA a perdu de son influence. Et puis Mars est devenu la nouvelle Lune… En fait, cette utopie est éternelle et se perpétue. Un peu comme la quête de la connaissance : on commence à ôter une écorce, on en retrouve une autre et ainsi de suite…
Pour Cocteau, le cinéma imprimait la mort au travail. Et vous, est-ce la science que vous capturez ?
Je ne saurais dire… La science vient nourrir l’imaginaire de mon travail, mais je ne suis pas scientifique – plutôt entre Kubrick et Tati ! La science me fascine pour sa résonance avec notre imaginaire et sa capacité fictionnelle ; pour le sérieux qu’elle me permet de mélanger au ludique. Mais je ne suis pas reporter et mes images sont ouvertes : je pose des questions, elles laissent
de la place pour que les gens qui sont devant se racontent leurs histoires. Elles restent dans le mystère – la création artistique est quand même liée au mystère…
En somme, vous scrutez les mutations de notre temps…
D’une manière générale, les entre-deux (passé/futur, réel/imaginaire…) me plaisent, car ils sont générateurs d’esthétiques, de formes, mais aussi d’histoires, de fantasmes ou d’illusions. En jouant sur la perception du vrai et du faux, j’essaie de créer un équilibre un peu précaire dans mes images : elles sont documentaires, dans le sens où tout est vrai, mais aussi entièrement mises en scène, de manières cinématographiques, très picturales.
Vos images interrogent l’espace comme le temps : une combinaison d’astronaute évoque ainsi une atmosphère futuriste autant qu’elle renvoie au passé de la conquête spatiale…
J’aime mettre en perspective le futur d’un point de vue historique et en explorer l’archéologie, dans son âge d’or des années 1950-60. Ce « futur du passé » constitue l’un des éléments importants de mon travail – qui s’intéresse autant à l’envie de l’Homme d’aller dans l’espace, au désir de transformer le vivant, comme aux architectures utopiques. Parallèlement, je développe un présent avec des robots humanoïdes que je mets en scène comme s’ils faisaient déjà partie de notre quotidien dans des situations très familières.
Le futur correspond-il à celui auquel vous rêviez enfant ?
Dans les années 1980, le futur que l’on imaginait était parcouru de voitures volantes. Mais la grande révolution, Internet, est invisible. Si ce monde de l’immatériel m’intéresse également, j’ai entrepris ces travaux pour réactualiser et concrétiser des rêves d’enfant, avec une espèce de nostalgie liée à un futur qui ne serait pas arrivé.