Quarante ans après sa disparition, l’architecte et designer milanais Gio Ponti (1891-1979) revient au Musée des Arts Décoratifs pour une rétrospective d’envergure. Une immersion prodigieuse dans l’imaginaire foisonnant d’un génie du XXe siècle, visionnaire et précurseur.
Qui s’étonne de voir Philippe Starck se pencher indifféremment sur la ligne d’un fauteuil, d’un presse-agrume, de yachts, d’immeubles ; qu’Ora-ïto crée un conditionnement alu pour une marque de bière, l’architecture intérieure d’un cinéma, l’identité visuelle d’une chaîne de télévision ? Si les designers contemporains abolissent toute frontière entre médiums et supports, ils le doivent à Le Corbusier ou à Gio Ponti, qui ont tracé d’infinies perspectives à leur art. Formé à l’École polytechnique de Milan, Ponti s’établit en 1921 comme architecte avant de prendre la tête de la manufacture de porcelaine Richard Ginori.
Aussitôt remarquée à l’Exposition internationale des Arts Décoratifs de Paris, son audace lui vaut moult propositions (Christofle, Venini…) que son insatiable appétit de créer saura satisfaire. Homme de son temps, le Milanais prend la mesure de son époque ductile ; il va donc la façonner du moindre élément quotidien au plus vaste ensemble d’habitation, appliquant les théories qu’il professe dans sa revue Domus, fondée en 1928. Sa chance ? Bénéficier d’outils industriels permettant une production de masse qualitative et assurant la dispersion large de l’italian touch en tant qu’esthétique de prestige innovante.
Organisée d’un strict point de vue chronologique, la scénographie signée Wilmotte & associés répond d’une certaine manière à la pensée de Ponti, gouvernée par la recherche d’efficacité élégante et de solutions formelles logiques. On assiste ainsi à l’affirmation d’un style tendant vers l’épure et l’idéal d’une « forme achevée », que son amitié de longue date avec Tony Bouilhet, responsable des arts de la table chez Christofle, va approfondir : candélabres, couverts, cafetières en témoignent.
Valorisant 400 pièces (!), le parcours rend compte d’une créativité polymorphe : luminaires pour Fontana Arte (1933), bouteille à crinoline pour Venini (1940), mobilier fonctionnel et épuré (chaise Superleggera, 1957), maquette de la Tour Pirelli (1960) et croquis du Musée d’art de Denver (1972), jusqu’à de saisissantes reconstitutions grandeur nature d’aménagements intérieurs conçus « du sol au plafond » pour l’université de Padoue ou l’Hôtel Parco dei pPrincipi. Artiste total, Ponti illustre enfin dans sa correspondance privée son obsession pour la simplissima bellezza en adressant de splendides calligrammes colorés à ses proches. Toujours ce souci du trait juste et du meno è meglio. Autrement dit, less is more…