Célébré designer de l’année lors de la dernière édition du salon MAISON&OBJET, Ramy Fischler développe une approche transversale de la création, dans un monde en mutation.
Ne vous méprenez pas. L’idée d’un monde connecté, lorsque l’on évoque le travail de Ramy Fischler, n’est pas à prendre au pied de la lettre. Depuis qu’il a ouvert son studio en 2011, après dix années passées aux côtés de Patrick Jouin, ce pragmatique éclectique, décoré de l’ordre des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la Communication, revendique une posture plutôt qu’une spécialité. En tant que créateur, il s’attache à penser le monde sous toutes ses facettes, dans un écosystème, et surtout tel qu’il est, avec ses contradictions, ses doutes, ses racines et le rythme étourdissant des progrès technologiques. Nous vivons dans une époque en mutation, qui pose des questions de fond, et que l’on peut en partie résoudre avec les outils du design et des partis pris esthétiques forts, explique-t-il.
La conjoncture pousse ainsi les designers à se positionner différemment. L’approche du métier ne passe pas que par l’objet. Tout est interconnecté désormais. L’idée, à travers le projet, consiste donc avant tout à répondre à des problématiques, en analysant des situations, puis à mettre en œuvre l’approche la plus appropriée, et c’est tant mieux ! Une posture et un engagement, qui l’amènent à travailler à la croisée des univers, des mutations digitales et des savoir-faire traditionnels, parfois séculaires ; des usages d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Ainsi, il est aussi à l’aise dans l’aménagement de bureaux (siège de Twitter à Paris, entre autres) que dans la scénographie de théâtre ou d’exposition (Prix pour l’intelligence de la main, Fondation Giorgio Cini à Venise), la conception de lieux expérimentaux (Le Philantrolab, dans le cadre de Réinventer Paris), l’architecture d’intérieur de résidences privées que le mobilier ou l’objet.
Toujours, avec le souci de l’humain, du détail et l’exigence du dessin. Lorsque l’on regarde les représentations du futur dans le cinéma d’anticipation, la vision est anxiogène, froide, clinique, poursuit-il. Or depuis sa création, cet art a souvent vu juste sur la mise en forme du monde. Cela prouve qu’en tant que concepteur, nous avons un rôle à jouer pour humaniser le monde connecté. À observer la douceur des courbes et des matières qu’il met en œuvre dans ses réalisations, gageons qu’il saura peut-être bien donner tort à la science-fiction…