Lauréate du concours ArchiINSTARS 2021, avec cette réalisation hybride, elle démontre ainsi que l’architecture d’intérieur peut sortir des sentiers battus, sous le couvert de l’énergie créative, de l’audace, sans jamais perdre de vue les exigences et le budget des clients ! Unanimité.
Marion Bueno, Courtoisie
Impossible de ne pas remarquer sa sensibilité, sa faculté innée à saisir les contours d’un projet et à faire sens dans chacun de ses croquis.
Marion Bueno a cette érudition étonnante pour son âge qui n’a pas manqué de captiver le jury ! Diplômée d’un double master, en architecture d’intérieur à La Martinière Diderot puis aux Beaux-Arts de Lyon, elle porte dans sa témérité, cette détermination à approfondir cette discipline, une maîtrise totale de ses projets, tant dans l’esthétique que dans la technique ; cette dernière, acquise au sein d’une entreprise de bâtiment général, quatre années durant, en qualité de maître d’œuvre.
Une expérience formatrice qui lui donne l’assurance de créer sa propre agence, Courtoisie Interior, en 2017.
Avec cet appartement de 55 m2 Marion Bueno a réalisé la double prouesse de créer un lieu de vie audacieux et fonctionnel mais également de séduire tous les membres du jury ArchiINSTARS 2021 !
Un appartement de 55 m2 qui a tout d’un grand !
Le cahier des charges du propriétaire était clair : repenser cet appartement vétuste, comme une suite d’hôtel autonome. 55 m2, donc, à apprivoiser et à équiper comme les plus grands, avec salon, cuisine, salle de bains, dressing, coin repas et buanderie ! En effet, dans son jus depuis de nombreuses années, l’appartement, configuré en L, multipliait les recoins sombres et délabrés, évoluant autour d’une cour – seul puits de lumière –, à la couleur minérale rosée typiquement lyonnaise.
Le corps, tout comme l’œil, doit glisser, être invité, poussé à la curiosité.
Dès lors, Marion fait table rase, sans dénaturer le charme du lieu et aucun geste inutile, toutefois avec certaines contraintes ! « La disposition et l’utilisation de la lumière naturelle n’étaient pas optimisées », se souvient-elle. « Les murs porteurs, une cheminée, une gaine contraignaient l’ajustement des pièces et des passages. J’ai donc pris le parti d’ouvrir les espaces en quête d’un maximum de luminosité, jusqu’à aller chercher de la hauteur dissimulée derrière des faux-plafonds ».
L’architecte d’intérieur s’emploie alors à accroître le ressenti de cette superficie exiguë. Comment ? Par des jeux de perspectives stimulant l’intérêt spatial. De 2,6 mètres, elle réussit à défier les volumes et les entraîner vers des envolées verticales de 3,6 mètres. « Dans chacun de mes projets, j’éprouve la nécessité d’amener le regard toujours plus loin, d’augmenter la sensation volumétrique en renforçant les percées de lumière et en infusant des éléments contrastés, forts et assumés. Le corps, tout comme l’œil, doit glisser, être invité, poussé à la curiosité ». C’est ainsi que naissent les ouvertures filantes, disséminées de-ci de-là, révélant au passage quelques belles surprises comme la pierre brute, traçant le chemin vers la cuisine.
Quand la fonction s’invite là où on ne l’attend pas
Dans la mesure du possible, le nouvel agencement, entièrement menuisé, capte le moindre rayon de soleil tamisé par les trois et uniques points lumineux : les deux fenêtres dans le salon et la baie vitrée à l’entrée. Cette dernière, remplacée et reconstituée à l’identique, enrichit naturellement le propos conceptuel par son imposte cintrée, devenant pour Marion un véritable fil d’Ariane.
« Ce travail d’arches m’a semblé évident pour concevoir une nouvelle dynamique et accompagner la hauteur démultipliée. Il prend tout son sens dans le salon à travers le graphisme de cet « objet d’agencement », comme elle se plaît à le définir. « La sacro-sainte fenêtre d’atelier n’avait aucune signification ici ! Je souhaitais faire écho à l’architecture existante et de pair, apporter de l’utilité ».
J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés un client qui ne voulait pas de déjà-vu, des images Pinterest ou autres !
En effet, ce meuble devient à la fois un paravent et un filtre qui positionne la fonction de bureau, tout en la masquant. Le choix du bois, et non du métal, lui confère une épaisseur chaleureuse qui attire sur lui l’attention, redonnant à la chambre une certaine intimité. « J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés un client qui ne voulait pas de déjà-vu, des images Pinterest ou autres ! Il m’a suivie dans la valeur ajoutée d’un dessin personnalisé et de partis pris forts, comme le sol contrasté, aspect marbre, marquant la lumière pour s’apparenter à un soubassement, une marche décorative. J’ai pu travailler certains placards en volume parfois curieux ; celui de la cuisine, plaqué noyer, devient alors un prisme et accentue l’embrasure du mur en pierre presque grossier ».
Dès l’instant où la justification des éléments fait sens, il est possible de combiner du sur-mesure, de belles pièces de luminaires, avec un mobilier plus consensuel animé par des objets chinés.
Ou encore le tapis, création de l’architecte d’intérieur spécifiquement imaginé pour ce projet. « La vocation locative de l’appartement, nous a quelque peu tempéré en matière d’appropriation décorative, en intégrant par exemple des œuvres d’art. Mais dans ce genre de situation, cela ne signifie aucunement que la décoration doit être relayée au second plan ! Dès l’instant où la justification des éléments fait sens, il est possible de combiner du sur-mesure, de belles pièces de luminaires, avec un mobilier plus consensuel animé par des objets chinés. Je pense que le métier d’architecte d’intérieur s’inscrit dans une vision jusqu’au-boutiste, qui lorsque nous avons l’occasion de l’exprimer, nous permet de créer quelque chose de plus grand ».