Direction la Haute-Savoie, dans l’antre de la baie de Talloires. Descendus de leur montagne auréolée de deux étoiles, Magali et Jean Sulpice redessinent les contours du Lac d’Annecy. Ensemble, le chef et la sommelière réécrivent l’histoire d’un haut lieu de la gastronomie tricolore : l’Auberge du Père Bise.
En ce lieu rare, le temps ne semble avoir aucune prise. Le lac, les montagnes, la nature environnante. Le paysage hypnotise. Comment ne pas tomber sous le charme ? « Impossible » pour Magali et Jean Sulpice. Cet endroit a une âme, une belle histoire riche d’un patrimoine générationel hérité de Marie et François Bise. Ils ont baptisé le lieu de leur nom et de leurs plats authentiques en 1903, passant le relais à leurs enfants et leurs épouses. Oui, ici l’aventure se conjugue à deux. Alors, lorsque Charlyne Bise décide de se séparer du hameau familial, rien de plus naturel que de le transmettre à « un chef et sa femme ». Et c’est dans le pur respect de cet établissement – même le nom est conservé – que le couple enracine sa personnalité généreuse et accueillante.
Magali et Jean Sulpice posent leur bagage gastronomique et avec lui leur volonté de relever un défi unique. Rénovée avec déférence, l’Auberge fait honneur aux prédécesseurs, avec cette ambition de mêler hier à aujourd’hui. Ils embarquent dans leurs rêves l’architecte Xavier Salerio, responsable du bureau d’études chez Créa-Design et Georges Riu, designer graphique, qui signe la direction artistique. La magie opère et le voyage commence, inspiré directement par le lac, sa chromatique, ses nuances et sa capacité à fasciner.
Trois atmosphères se dégagent avec pour fil conducteur l’accueil dans sa dimension la plus élogieuse : la table gastronomique de 45 couverts, sophistiquée et élégante sans fioritures, le bistrot 1903 au style vintage et authentique assumé et l’hôtel – digne de ses 5 étoiles – dont sept des vingt-trois chambres ont été entièrement rénovées avec chic et sobriété. Sans omettre la terrasse généreuse qui attire comme un aimant.
Tout est parfaitement équilibré, à l’image de la cuisine de Jean Sulpice. La chromatique bleue et ses variations, éclairent le lieu entre la pierre au sol bleu de Savoie et le revêtement poudré bleu canard. Dans le sens du détail, les finitions excellent, à l’instar du bar majestueux, imaginé comme une malle Louis Vuitton en bois et cuir, cousu main par l’ébéniste Frédéric Volpon. La nature résonne à travers des luminaires en cuivre imitant le feuillage ou encore les sculptures murales en bois, qui selon les regards font écho à la montagne ou aux ondes chatoyantes du lac.
Entre modernité et authenticité, l’Auberge by Jean Sulpice semble avoir toujours eu cette teinte, des stylobates à la véranda flambant neuve, de la cave à vin ingénieuse au coin bibliothèque. Mais ce n’est qu’à table que tout prend un sens. La décoration est en lien direct avec la cuisine ; une cuisine de terroir, profondément attachée aux origines savoyardes du chef, rythmée par les saisons, infusée par les herbes du potager et colorée par la pêche, les champignons, le miel, etc… des producteurs locaux.
Avant de partir, un souvenir à la boutique nous persuade que tout ceci n’est pas un rêve.Le chef avait déjà révolutionné le monde de la gastronomie d’altitude, avec ses deux étoiles décrochées à Val Thorens. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait choisi le ciel de l’Auberge constellé pendant plus de trente ans. À suivre…