Thomas Garmier a créé The Great Hospitality en 2014, une entreprise qui accompagne hôteliers et investisseurs dans l’aménagement et la mise en œuvre de leurs projets. Ce, après dix années passées au sein du groupe Accor à des responsabilités similaires. Au cœur de l’expérience hôtelière, il nous livre sa vision de l’hôtellerie d’aujourd’hui… et de demain.
Qu’est-ce que l’hôtel contemporain ?

Thomas Garmier : Un lieu qui raconte des histoires, que ce soit à travers le mobilier, l’architecture, les œuvres d’art, ou que sais-je encore. Il faut plonger les clients dans un univers qui participe à la réussite de leur séjour. Et ce, quel que soit le niveau de gamme de l’établissement. Pour vous donner un exemple très concret, j’ai passé dix années au sein du groupe Accor, à la direction du service dont la mission était d’aménager les hôtels en rénovation ou en construction. Mon dernier projet, avant de fonder The Great Hospitality, a porté sur la transformation des marques économiques du groupe, avec la création de la famille Ibis (Budget, Style, etc.). L’objectif était de sortir de l’idée que les gens se centraient uniquement sur le prix, et qu’il fallait donc en mettre le moins possible, sans réel souci de l’esthétique ou de l’harmonie. Nous nous étions rendu compte qu’il fallait non seulement être économique, mais aussi sexy et personnel. Il s’agissait à la fois de retrouver le confort et le standard que l’on attend d’une marque, mais aussi que l’on se sente présent dans la destination géographique. Cette notion de personnalisation est entrée chez nous et chez les particuliers par le biais de programmes télévisés de décoration ou de la location chez les gens, via des plateformes d’intermédiation. Lorsque l’on voyage, on choisit certes un emplacement, mais aussi l’appartement, le lieu ou l’hôtel qui nous correspond le mieux en matière de personnalité.
La personnalisation et les histoires singulières seraient donc une question de style ?
T. G. : En partie seulement. Certains indé-pendants ont été très précurseurs là-dessus, avec un goût pour le design, mais aussi pour le service. Ils ont tiré leur épingle du jeu depuis longtemps, en concoctant de petits endroits sympas, cosy, événementiels aussi, que les gens apprécient tout particulièrement. Aujourd’hui, un hôtelier n’a plus le choix. Il est obligé de suivre cette tendance, sinon il disparaît. D’autant que la digitalisation du métier et du secteur donne accès à l’information d’une manière très efficace et détaillée, et de fait, celui qui ne met pas en avant ses particularités ou spécificités n’est pas choisi. Du côté des exploitants, la digitalisation a également progressé de façon spectaculaire, notamment en ce qui concerne les outils et le management des informations collectées. Aujourd’hui, l’enregistrement des informations de réservation se fait en amont du séjour de la personne, ce qui fait que le temps qu’elle passe à la réception lorsqu’elle arrive n’est pas utilisé à fournir un numéro de carte bleue ou de passeport, mais plutôt à échanger, sur l’hôtel, le service, la ville, les attentes liées au séjour. C’est une vraie transformation. Enfin, les hôtels ne sont plus des chambres sous un toit. Ils sont des lieux de vies, insérés dans un quartier, une ville. Serge Trigano, avec le Mama Shelter et Philippe Starck, est l’un des premiers à l’avoir compris. Mama, c’est un restaurant, un bar, et éventuellement un lieu où l’on dort. Cette démarche hybride ouvre les portes aux utilisateurs qui ne séjournent pas à l’hôtel.
Comment se traduit-il dans la conception des espaces ?
T. G. : En décloisonnant, en fluidifiant, en rendant les espaces modulaires. Prenez la salle de petit déjeuner par exemple. Tant de m2, pour une utilisation hyper réduite. C’est une aberration ! Le rez-de-chaussée est désormais un lieu ouvert, qui vit du soir au matin. Pour l’hôtelier, c’est une façon intelligente de rentabiliser l’exploitation de ses surfaces, et pour les clients, c’est une vraie plus-value sur le séjour. Chacun a ainsi la possibilité de consommer l’espace comme il le souhaite. Cette approche oblige à être agile dans l’aménagement, et rigoureux dans le choix des équipements. On doit permettre tous ces scénarios, toutes ces configurations. Il faut pouvoir refermer des espaces, par exemple si on veut donner un cours de fitness après le petit déjeuner, ranger les tables et les chaises facilement. Ainsi le mobilier est choisi pour offrir plusieurs usages.
Mais à l’hôtel, on dort aussi tout de même ?
T. G. : Bien sûr ! D’ailleurs, tout le monde a réinvesti sur le confort de la nuit dans la chambre. Bien dormir, dans un lit de bonne qualité, avec une bonne isolation phonique, lumineuse, des sanitaires irréprochables. Mais la chambre bénéficie également de ce phénomène de personnalisation. Le sommeil est scénarisé, les marques développent des collaborations spécifiques avec des fabricants de literie, de papier peint ou encore de mobilier. Certains hôtels proposent leur literie à la vente, aux clients qui en apprécient le confort. Sur le site d’Okko Hotels, l’un de nos clients, on peut par exemple acheter des éléments du décor : une lampe de chevet, une petite étagère. Les allers et retours entre le privé et l’hôtel sont vraiment intéressants. C’est un peu l’idée qu’à l’hôtel, on recherche le confort de la maison, mais qu’on y pique aussi les bonnes idées à dupliquer chez soi.
Quels sont, selon vous, les principaux axes de développement de l’hôtellerie du futur ?
T. G. : Le phénomène de personnalisation du séjour va encore s’accroître. Déjà, des expériences sont à l’œuvre, notamment au sein du groupe Accor, qui a demandé au designer Ora-ïto d’aménager des containers mobiles, à utiliser dans des contextes événementiels [Flying Nest, groupe Accor, NDLR]. Ceux-ci ont par exemple récemment été installés sur le circuit des 24 Heures du Mans, pour placer littéralement les hôtes au cœur de l’événement. Mais les applications sont multiples, d’autant que le dispositif est customisable. On peut ainsi l’imaginer mis aux couleurs d’une marque, ou installé en renfort d’une offre hôtelière trop faible, à un moment de forte affluence, dans une région. Que sais-je encore ! La protection de l’environnement est également un gros enjeu, et répond aussi à une demande croissante : garantir des processus durables, la disparition de certaines colles, de solvants. Enfin, la digitalisation va faire muter encore plus le secteur, au profit de temps d’activités extrahôtelières et d’amélioration, d’innovations dans la relation avec le client. J’ai aménagé près de 400 hôtels depuis le début de ma carrière. Être proche des investisseurs, de leurs problématiques, de leurs demandes, me donne un regard privilégié sur ce qui se passe, et je peux vous garantir que nous ne sommes pas au bout de nos surprises ! Le métier s’organise, les offres se diversifient toujours plus, les grands acteurs sont challengés… Mille et une choses se préparent !
Okko Strasbourg
Sur une ancienne friche portuaire en cœur de ville, la presqu’île Malraux, l’Okko Strasbourg a ouvert ses portes en 2017. Le bâtiment (3 600 m2, 120 chambres) signé de l’architecte Anne Démians a été aménagé par l’architecte d’intérieur et designer Patrick Norguet (Studio Norguet Design). Foyer chic et cosy de 350 m2, le Club, dédié aux hôtes est le service signature de la marque, et le cœur vivant de l’établissement. Concevoir un hôtel adapté aux besoins des voyageurs et de demain est la préoccupation principale de nos équipes. C’est pourquoi nous avons conçu le Club : un vaste lieu de vie où nos clients peuvent travailler, se détendre ou encore se restaurer à toute heure. Son design élégant et fonctionnel leur donne le sentiment d’être ailleurs, tout en étant comme à la maison, explique Olivier Devys, président fondateur d’Okko Hotels. Situé au premier étage, il comprend des espaces pour travailler ou se détendre, un business corner, une boutique et une salle de réunion privatisable. Last but no least ! Le tarif de la chambre inclut l’accès au Club, le petit déjeuner, des boissons chaudes et fraîches, du snacking… et un aperitivo servi tous les jours à 19 h !