Sur le port de plaisance Hercule, à l’équilibre entre les quartiers de La Condamine et Monte-Carlo, cet appartement-vedette ouvre la voie à une modernité affranchie, sous l’impulsion d’un duo au carré : a2-Sb Architectes. À l’œuvre, l’architecte Jean-Yves Arrivetz et l’architecte d’intérieur Sébastien Belle. Deux personnalités distinctes qui, lorsqu’elles fusionnent, semblent relever tous les défis.
Ce qui les relie ? La quête de l’absolu, nous souffle Sébastien. Indépendants, donc, à l’instar de cet état souverain qu’ils foulent de leur créativité complémentaire et telle l’approche idéelle de cet appartement et d’un studio attenant. Là, dans une résidence monégasque réputée des années 1970, ils plantent leur regard croisé – avec celui de Sarah, la propriétaire – dans la grande bleue, dont ils s’inspirent, prenant soin d’éviter les écueils.
La nécessité pour Sarah demeure la lumière, la sensation de liberté dans une conception et un agencement modulable, happés par la vue. Dicté par ces attentes et l’horizon, le dessin naît dans le mouvement, sans aucun geste inutile, prenant soin de dompter la configuration parallélépipédique des lieux. Dans cette figure géométrique se succèdent trois travées de 55 m2, éveillées chacune par une terrasse, unique point d’entrée de la lumière naturelle. Le défi apparaît de lui-même ! Des vestiges de l’ancien état des lieux ne restent que les résidus de gomme. Exit donc les cloisons, les pièces borgnes, le bois verni… les volumes mus par la volonté commune de a2-Sb Architectes, font la part belle à l’épure reconnectée au paysage. Mais plus le rendu semble minimaliste, plus la technicité est grande !
Instinctivement, nous voulions projeter l’appartement vers la mer.
Sébastien Belle confirme : Instinctivement, nous voulions projeter l’appartement vers la mer. Néanmoins, les dalles au plafond nous imposaient leur faible hauteur, 2,5 mètres. Dès lors, difficile d’ajouter un faux-plafond. Et nous désirions par-dessus tout éviter les systèmes traditionnels de corniches, qui ont tendance à figer les espaces et à grappiller de la hauteur, ici trop précieuse ! Ce système de « feuille » ondoyante en staff est venu naturellement. En regardant les vagues à seulement quelques mètres, une évidence : les transposer au cœur de l’espace intérieur et nous permettre d’absorber la profondeur de l’appartement de près de 14 mètres !
Insuffler aux zones de vie principales un maximum de lumière naturelle et renforcer les perspectives, avec pour seule volonté de ne pas subir des pièces, mais de vivre pleinement des espaces !
Non sans une certaine poésie, ce parti pris astucieux insuffle du rythme, tout en intégrant un maximum d’éléments techniques – climatisation, chauffage, aspiration et éclairage – dans les parties les plus sombres de l’entrée, abaissée pour l’occasion à 2,20 mètres. Puis, acheminés dans les creux, jusqu’aux abords des terrasses, là où le plafond semble rejoindre l’horizon, conservant en ce point, sa hauteur maximale. Et ce de manière totalement invisible, juste avec ce sentiment spontané d’être aspiré par le panorama !
Mais les problématiques ne s’arrêtent pas là… Autre contrainte, les murs de refend, tels des piliers, entre le salon et la salle à manger. Nous songions au début à les inclure dans un meuble sur-mesure afin de donner l’illusion qu’ils n’existent pas, confie Sébastien. Mais cela aurait dénaturé cette mouvance des vagues, élément principal de la réalisation. Nous avons donc retravaillé ces murs dans l’esprit du faux-plafond, en les accentuant et en les inclinant, telles des quilles. Somme toute, en les assumant pleinement. Ainsi, les deux murs principaux partitionnent d’eux-mêmes les scènes de jour tandis que le troisième sert d’appui spatial à la cuisine et au « coffre métallique », dissimulant une salle de bains invités et des vestiaires.
Tout ce que l’on ne veut pas voir, rangements, sanitaires, se concentre ainsi dans les zones d’ombre, volontairement étayées par des aplats métalliques bruts à même de nuancer la lumière naturelle, mais également de l’intensifier, sans tomber dans un jeu de reflets caricatural. En effet, seuls deux éléments forts, placés juste au bon endroit, ont le privilège de faire écho, à leur guise, à la Méditerranée : le miroir graphique monumental et la surface en verre du dressing.
Un appartement qui est fait pour vivre avec la mer, urbain sans vraiment l’être.
Cette organisation volumétrique nous a permis d’insuffler aux zones de vie principales, jusque dans la master suite, un maximum de lumière naturelle et de renforcer les perspectives, avec pour seule volonté de ne pas subir des pièces, mais de vivre pleinement des espaces !, souligne l’architecte d’intérieur. Dès lors, cet agencement parfaitement maîtrisé, faisant corps avec l’architecture, offre la possibilité à la propriétaire de faire évoluer les scènes comme elle l’entend. Ainsi, le mobilier, sélectionné par la propriétaire chez DePadova, Ma/u Studio ou chez Carl Hansen & Søn, en collaboration avec l’agence a2-Sb, s’inscrit dans cette dynamique.
Sarah souhaitait une liberté totale de composition, que rien ne soit figé, jusqu’à la sensation de pouvoir bouger l’îlot de la cuisine, voire le dressing ! Raison pour laquelle nous avons posé certaines fonctions tels des objets. Au sol, le béton continu jusque sur les terrasses – dont les nouvelles huisseries minimalistes ouvrent le regard – participe à cette perception de modularité, comme si d’une minute à l’autre, l’appartement pouvait changer de visage.
Le tout appuyé par une conception lumière imaginée tel un chef d’orchestre. L’éclairage se transforme ici en matière architecturale diurne ou nocturne. Sous de nombreuses formes, il sculpte les matériaux et les volumes, toujours dans cette notion de perspectives, à l’instar des failles à l’entrée qui amorcent les vagues, ou notamment dans la chambre du studio attenant, qui changent les repères spatiaux et les démultiplient, sourit Sébastien.
Mais également les spots en trimless qui scénarisent les lieux, selon les ambiances souhaitées. Ou encore les luminaires décoratifs qui donnent du sens à cette réalisation minimaliste aux embruns à la fois marins et citadins. Ou comme Sébastien se plaît à le définir : Un appartement qui est fait pour vivre avec la mer, urbain sans vraiment l’être.
Architecture et Architecture d’intérieur : a2-Sb Architectes – Jean-Yves Arrivetz et Sébastien Belle