En plein cœur de Madrid, le Rómola, signé de l’architecte Andrés Jaque, est une ode à l’artisanat local, à une certaine beauté classique revisitée, aux couleurs joyeuses et à la liberté des goûts.
Une cafetería tout ce qu’il y a de plus espagnol, où siroter un « café con leche » accompagné d’une jolie pâtisserie maison, version contemporaine… et chic !
Le leitmotiv qui a guidé la conception de ce café, pâtisserie et restaurant expérimental, en plein cœur de Madrid ? La volonté de revaloriser le patrimoine architectural local et de sauver des artisanats en voie d’extinction, instigateurs de l’esthétique des cafeteriás madrilènes depuis les années 1960, mêlant métal doré, cuirs, ou encore panneaux de bois travaillés. À travers le projet, il s’agit aussi de contrer l’hégémonie des franchises encourageant le travail précaire et à bas coût, qui ont, depuis la crise, progressivement uniformisé les usages à grand renfort de céramique, pastiche d’un folklore culturel éculé. Et qui de fait, ont également, en quelques années, mité les pieds d’immeubles des villes espagnoles. Après l’austérité, place à l’expressivité donc, à la vraie tradition retrouvée… mais revisitée.
Signé de l’architecte Andrés Jaque, connu pour son approche manifeste de la création architecturale (son agence s’appelle d’ail-leurs Office for political innovation), le Rómola prend ainsi place dans un ancien garage édifié en 1946, bâtiment, entièrement réhabilité, parmi les plus exemplaires de l’architecte local Gutiérrez Soto. La structure et les volumes d’origine ont été conservés, permettant de dégager un espace de près de cinq mètres de haut, organisé en deux niveaux décloisonnés et doté d’immenses ouvertures sur la rue, projetant à la vue des passants un décor exceptionnel, défi d’ingénierie tout autant que d’artisanat. Car c’est bien là que réside tout le sens de cet aménagement.
Dans les carrières désormais inactives de Novelda dans la province de Valence, pourtant plaque tournante de l’industrie du marbre rare dans les années 1990 et 2000, l’architecte est allé chercher la matière première et les fabricants de sa « tente » monumentale, autour de laquelle sont répartis en forme de C les espaces de cuisine. Les panneaux XXL et impressionnants (2 mètres de hauteur pour seulement 20 millimètres d’épaisseur), renforcés de fibre de verre et de résine, sont fixés sur un système articulé rendant la structure autoportante et ultrarésistante malgré son poids. À l’intérieur, aménagement et mobiliers sont le fruit du travail d’une équipe d’artisans chromeurs, de tapissiers, de selliers-maroquiniers, de laqueurs et de fabricants de panneaux de bois rares (ici de la feuille d’olivier en placage radial), soigneusement sélectionnés par l’architecte.
Un lieu à l’image de la créativité dynamique d’un pays en pleine ébullition !