Clément Bouvier a ouvert la première table gastronomique de Tignes. Un bel enjeu pour ce jeune chef de 27 ans qui crée la surprise avec un dîner dans une forêt onirique. L’architecte Isabelle Chapuis-Martinez l’a aidé à planter le décor.
Les architectes d’icmArchitectures suivent la famille Bouvier depuis la table étoilée du patriarche, L’Essentiel à Chambéry, jusqu’aux cimes de Tignes : J’ai vu grandir Clément, observé son remarquable parcours gastronomique. Pour ce projet, je l’ai écouté parler de ses envies et de cette image de la forêt qu’il avait en tête, confie Isabelle. Clément Bouvier a installé sa clairière au sein même de l’hôtel familial, Les Suites*****.
Je me souviens avoir terminé ma saison chez Jean-François Piège début mai. De retour à Tignes, en juin, j’avais envie de retrouver les herbes que je travaillais chez René et Maxime Meilleur, mais elles poussent toutes en dessous de 1 800 mètres d’altitude. Je me suis arrêté aux Boisses et j’ai trouvé un bosquet magique, tout y était : l’oxalis, la pimprenelle, le chénopode bon-Henri… Et puis, un rayon de soleil est arrivé, c’était magique ! L’idée d’Ursus est partie de là. Je voulais des tables isolées au milieu des bois, comme dans une clairière dans la forêt, explique le jeune chef.
L’architecte corrobore : Nous avons travaillé en collaboration afin de garder une lisibilité de l’espace, au profit de la table. Les troncs sont bruts, sans branches, habités de quelques oiseaux ou de champignons en céramique. Nous voulions apporter la notion de forêt, sans tomber dans le décor de théâtre. L’assiette devait être ici transcendée, nous avons créé une sorte de cocon où le client se sent seul.
Dès l’entrée, l’alignement de troncs d’arbres surprend. Les sapins et mélèzes dessinent des alvéoles de tranquillité où siègent des tables. Celles-ci sont rondes avec un pied central tout comme les chaises, pivotantes pour faciliter l’installation et se tourner afin d’admirer le décor. Le travail de la lumière est remarquable. Chaque table semble isolée, seule sa surface est éclairée par un éclairage imitant celui du jour ; autour la salle reste dans la pénombre. La plus grande table est ovale, en élégant noyer, surmontée d’un lustre aérien évoquant branchages et gouttes de rosée. L’univers forestier est également invoqué au sol, avec une moquette verte rappelant la mousse. La verticalité des troncs est rompue par un plafond en toile tendue reprenant le rythme d’une frondaison, à différentes hauteurs. Sur la toile, une photo de l’architecte réinterprétée donne l’illusion du soleil filtrant à travers le feuillage.
La vaisselle reste dans le ton, sélectionnée avec soin : assiettes du Portugal, vertes et ornées d’un ours ou rondes en céramique chamottée partiellement émaillée, coupelles en bois de la Vallée d’Aoste, couteau avec manche en bois de Jean-Loup Balitrand à Saint-Genix-sur-Guiers… Le voyage culinaire peut alors commencer avec un plateau de mousse des bois où reposent les exquises mises en bouche.