Avec Made in Situ, studio de création et marque, le designer Noé Duchaufour-Lawrance rebat les cartes de la conception et de la production à travers des collections en séries limitées, équitables et locales. Imaginées à quatre mains avec les artisans qui les façonnent, elles sont littéralement issues du terroir portugais.
Matériaux bruts, un territoire à explorer
La terre, au sens géologique, biologique, métaphorique aussi, et la mer. Deux éléments, qui du nord au sud, façonnent et unifient le paysage portugais. Ici, ils sont l’ancrage et la source d’inspiration de l’aventure Made in Situ, et des collections de pièces auxquelles celle-ci donne naissance. La céramique Barro Negro de la région de Touleda, la fibre végétale Bunho, récoltée près de Satarem, le liège de l’Algarve, la pierre des carrières d’Estremoz ou encore le bronze de Peniche en sont ainsi les principaux ingrédients. Eux, et les savoir-faire des artisans de ces régions.
Mettant au défi l’abstraction créative du designer Noé Duchaufour-Lawrance, les formes naissent sur le métier, dans l’atelier, mais également des techniques de mise en œuvre spécifiques des matières, autant que des motifs, textures et couleurs. Sans omettre ce que la nature brute procure et, des émotions qu’elle suscite au moment où l’on façonne.
MIS, première collection de la marque, est une famille de pièces issue de l’exploration d’une technique de cuisson de la céramique ancestrale : le Soenga. À travers MIS, je recherche une approche plurielle de la création, avec du sens, souligne Noé Duchaufour-Lawrance. Les pièces sont le fruit d’un procédé créatif équitable et partagé, véritablement mené à quatre mains avec Xana et Carlos, céramistes. Le principe, remontant à la période néolithique, consiste à enterrer les pièces séchées dans le sol, puis à allumer un grand feu pour les cuire, et ainsi obtenir un noir carbonisé très profond.
À travers la collection MIS, je recherche une approche plurielle de la création, avec du sens.
Magie du faire
Par le passé, de petits groupes de potiers, souvent des familles, apportaient leurs pièces pour les cuire ensemble. Sur le point de disparaître, cette pratique s’est pérennisée grâce à une fête annuelle. Tous les printemps, le Soenga est le point d’orgue des festivités du village de Molelos. La communauté de céramistes apporte ses pièces, avant d’être précuites dans les flammes, puis précautionneusement empilées dans un grand foyer circulaire creusé dans le sol, et bordé de pin. Ce monticule est ensuite enfoui avec du pin enflammé, puis recouvert de tourbe, créant un dôme doté de petites ouvertures qui permettent d’alimenter le feu. Puis les cheminées sont hermétiquement fermées. L’argile, alors privé d’oxygène absorbe le carbone, conférant aux pièces une teinte noire profonde.
Cette collection connecte la matérialité aux sens, à la terre, au feu, à la nourriture, à l’odorat, au toucher et à la lumière.
De cette expérience, sont ainsi nées quatre familles, co-conçues avec les céramistes Xana Monteiro et Carlos Lima, au cœur du paysage mystique des montagnes de la Serra de Caramulo. Les lampes Caramulo, les vases Tondela et Barro Negro, le diffuseur de parfum Soenga, aux formes variées et uniques, évoquent autant la forme des monts et rochers alentour, que l’essence de la technique mise en œuvre. Pour les céramistes Xana Monteiro et Carlos Lima : Nous avons trouvé les solutions ensemble, modifiant certains détails de formes, textures ou proportions, en gardant toujours à l’esprit les techniques de production que nous utilisons, et le brûlage de chaque pièce. Tout est dit !
madeinsitu.com
Texte : Maëlle Campagnoli