Cecilie Manz cultive depuis près de 20 ans un art de la simplicité et de la justesse sans pareil. Tranquillement, sans fracas, elle s’est construit une place de choix dans le paysage du design contemporain.

L’espace de conférence installé dans le salon Maison&Objet est plein à craquer. Elle s’approche presque timidement du pupitre, nous remerciant très sincèrement d’être venus l’écouter exposer sa démarche de création. Elle travaille pourtant avec des éditeurs et des marques de renom, dans le monde entier, de Fritz Hansen à Littala, en passant par Georg Jensen, Moorman’s, ou encore Bang & Olufsen, et son travail a été primé à de nombreuses reprises.
Voix douce, un rien fluette. Et puis l’exercice est pour le moins ardu : résumer en peu de temps la vision construite en une déjà longue carrière… L’auditoire, lui, est acquis à sa cause, tant elle représente la justesse, l’évidence et la mesure des choses dans le paysage de la création design contemporaine. Est-ce parce qu’elle est scandinave ? Nous sommes un peuple réservé d’une certaine façon, sourit-elle un peu plus tard. Et je crois que le design dans mon pays porte ceci. Il n’y a pas besoin de parler trop fort. Murmurer suffit.
Or ce design, elle l’incarne depuis près de 20 ans avec une force et une discrétion qui ne peuvent qu’inspirer un profond respect. Limpidité des formes, acuité des fonctions, intelligence industrielle et profonde sensibilité technique, quel que soit le projet (et ses domaines d’intervention sont variés !) : la quintessence contemporaine du minimalisme danois. Lorsqu’elle dessine la chaise Workshop pour la marque Muuto, elle combine par exemple un piétement en chêne massif, pour assurer la tenue du meuble, avec une assise et un dossier en placage, plus léger, plus souple, plus intelligent aussi en matière de coûts de production. Le dessin ? Au cordeau… et accueillant.
Parmi ses dernières créations, une collection d’équipements pour la marque de salle de bains Duravit, Luv, composée d’une vasque et d’une baignoire. Elle raconte à propos de ce projet que ce qui l’a guidée est la vision d’un simple bol rempli d’eau, posé sur un plan de travail.
Je crée des choses qui ont du sens pour moi.
Mon principal objectif, chaque fois, est d’avoir un argument clair qui légitime l’existence de chaque objet. La fonction est essentielle. Si rien ne la justifie, je préfère m’abstenir. Une attitude radicale, de bon sens, à l’origine d’une réelle poésie du quotidien, d’une vraie chaleur. Elle poursuit : le mode compte nombre d’artisans et de fabricants extrêmement doués. Mais ce qui fait le succès du design scandinave est notre sensibilité pour la matière, l’attention aux détails. Nous avons une approche humble et minimaliste, un très grand respect pour chaque matériau, sa singularité. J’ai appris le métier dans l’atelier, celui de mes parents, céramistes, puis à l’école, en m’immergeant dans la matière, la texture, la couleur. D’ailleurs je voulais être artiste. Je suis venue presque par hasard au design.
La lampe Caravaggio (Lightyears, 2005) incarne assez bien cet esprit. Une source lumineuse enveloppée de noir mat et une corde rouge, qui révèle soudain toute l’intensité de sa couleur une fois illuminée, à la manière du clair-obscur des tableaux du maître italien. Un style au fond assez unique, une galaxie d’objets composant un ensemble d’une cohérence rare, particulièrement frappant dans la mise en scène de l’exposition « Everyday life » qui accompagne sa nomination à MAISON&OBJET. Mon travail a toujours tourné autour d’un chemin vers un objet pur, esthétique et narratif. Tout est dit.