Nous nous retrouvons enfin ! Au fil du Rhône, l’édifice mère accueillant l’ancien hôpital a une charge émotionnelle telle, que nous, Lyonnais, attendions cette métamorphose de pied ferme ! Et ne parlons pas du Grand Dôme ! Trêve de circonvolutions, l’hôtel l’InterContinental est tout simplement beau. L’architecte Jean-Philippe Nuel a relevé un véritable défi.
Cocon
Rendu aux Lyonnais, le Grand Hôtel-Dieu finit pas à pas sa reconversion spectaculaire. En ce mois de juin, les portes principales de la « pièce maîtresse » se sont ouvertes à nou-veau, après 10 ans d’attente, sous la bannière étoilée de l’hôtellerie de luxe : InterContinental. Ce projet titanesque pourrait se raconter en chiffre : 13 237 m2, 360 mètres linéaires de façades, 32 mètres de hauteur sous le grand dôme, 12 salles de réunion, 144 chambres, 28 duplex, 150 m2 de suite présidentielle…
Mais ce que Jean-Philippe Nuel retient demeure le millier de femmes et d’hommes passionnés, 200 entreprises, qui ont œuvré pour faire de ce lieu ce qu’il est aujourd’hui. Impossible de ne pas lire l’émotion sur les visages, celui de Madelijn Vervoord, directrice générale Lyon et de tous les acteurs présents, Eiffage Construction, Generim. Une aventure humaine née en 2009… Ce n’est pas rien.
Une dichotomie omniprésente entre fonction et architecture, monacal et précieux
Monacal/précieux
Comment appréhende-t-on un site entièrement classé aux monuments historiques ? En assumant la nouvelle fonction et le futur projet ! répond Jean-Philippe Nuel. Il faut réinventer quelque chose. Le patrimoine n’est pas opposé à la modernité. Bien entendu, il est nécessaire de le comprendre, de le respecter, pour ne pas heurter la lecture de l’histoire et d’être conscient de cette responsabilité face aux Lyonnais et à leur affect pour ce lieu qui les a vus naître et grandir. C’est pour cette raison qu’intervenir sur un tel édifice est passionnant.
Conserver les fondamentaux, sans tomber dans le piège du kitsch ! Je peux m’intéresser à la grammaire, pas au vocabulaire, mais aux sens, aux fondements. Cela se transcrit dans cette dichotomie entre fonction et architecture, monacal et précieux. D’un côté, nous avons cette maison hospitalière et cette vocation charitable envers les malades, les mendiants, les pèlerins, sans discontinuité depuis 8 siècles ! Et en face, ce contraste saisissant apporté par Soufflot au XVIIIe siècle, avec cette façade palatiale, ce dôme faste. C’est cela que l’on doit ressentir dans l’essence spatiale, au-delà même des effets de style. Dans ce cas précis, le concept de « luxe humble », théorisé par la sociologue Cécile Poignant, correspond parfaitement !
Une notion de luxe tournée vers l’être plutôt que vers l’avoir
Une notion de luxe tournée vers l’être plutôt que vers l’avoir. Ce discours fait sens à travers un dialogue omniprésent ! La soierie traditionnelle Verel de Belval, associée aux créations en chanvre de l’artiste Véronique de Soultrait ou encore aux plafonds à la française bruts de chaux. Nous avons voulu affirmer un nouvel usage, sans surjouer. La soierie traditionnelle, fil conducteur, n’est pas utilisée comme élément pompeux, mais pour offrir à voir. Pour Jean Philippe Nuel, c’est un échange permanent, une alchimie entre la rondeur des oculus et la courbure des banquettes, dessinées en collaboration avec Ligne Roset, à l’échelle (6 mètres de longueur) du bar de l’hôtel, Le Dôme. Ou encore l’îlot floral marquant l’autel originel, etc. Un défi dans le défi ? Je pourrais vous dire le grand dôme !
Le bar/restaurant surplombé par une envolée de 32 mètres… Gérer l’acoustique sans toucher aux murs… Mais ce serait trop facile ! J’opte pour le lobby. À l’origine, il devait évoluer sur une double hauteur. Cela n’a malheureusement pas été possible. Dans un bâtiment entièrement classé, il y a des contraintes, c’est le jeu. Je les vois plus comme des opportunités. Et à cet endroit précis, je suis ravi du résultat. La rénovation offre davantage de possibilités créatives que dans un programme neuf. À vous, Lyonnais, globe-trotters, de faire de ce lieu, le vôtre !
Le patrimoine n’est pas opposé à la modernité
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Photographe Nicolas Mathéus