À quelques encablures de la villa Medicis, de la fontaine de Trévi et de la place d’Espagne, face aux jardins de la Villa Borghese, l’architecte d’intérieur Jean-Philippe Nuel signe la rénovation du Sofitel Villa Borghese. Il y distille une dolce vita à part, fruit d’un mélange en contrastes subtils entre le classicisme raffiné à la française et le baroque italien, expressif et opulent juste ce qu’il faut.
Depuis le lobby construit comme un tableau de maître, mêlant cassons de marbre polychrome au sol, murs immaculés et borne d’accueil sculpturale, jusqu’à la sublime terrasse en rooftop, d’où la cime des pins parasols des jardins en contrebas prend des allures de tapis de verdure, dont jaillissent seulement quelques toits de tuiles rouges, tout respire un art de vivre décontracté et raffiné, bercé par la brise chaude et douce des hauteurs de Rome. Livré cette année, l’hôtel est un projet à part dans le travail de l’architecte d’intérieur Jean-Philippe Nuel.
Un temps à Rome au cours de sa formation, il raconte : Je logeais au lycée français, à quelques pas du Sofitel Villa Borghese : la rénovation de l’hôtel était donc pour moi un grand plaisir… et beaucoup d’émotions. De ce souvenir, il tire une approche en forme d’hommage un rien décalé à la culture, avec un C majuscule. Un trait d’union, un dialogue, entre les arts de vivre français et italiens. En filigrane du projet, d’ailleurs, se lit aussi une référence à la réalisation de la colonnade du Louvre au XVIIe siècle. Louis XIV aurait un moment hésité entre le classicisme français de Claude Perrault et le baroque expressif du Bernin. Quatre siècles plus tard, l’architecte résout à sa manière le dilemme du souverain.
Comment ? Par un jeu de contrastes subtils dans l’écriture décorative, travaillant avec l’existant typique de l’architecture italienne classique, le complétant, pour mieux en accentuer les caractéristiques, qu’il contrebalance avec un raffinement retenu issu de la culture française, tempérant ainsi l’expressivité de l’espace. Dans les chambres par exemple, les murs sont blancs, mais le caisson des plafonds reprend les fresques typiques de l’architecture italienne, doucement soulignées par un éclairage artificiel. Il introduit des matériaux simples, travaillés avec des lignes strictes, adoucies par les codes résidentiels auxquels il fait appel, comme pour mieux dire la contemporanéité des lieux.
L’une des très grandes réussites du projet se situe tout en haut, dans le restaurant prolongé par l’immense terrasse. Les cassons de marbre du sol évoquent une végétation foisonnante, dont les couleurs se prolongent dans les tissus des assises, dialoguant avec l’installation végétale suspendue au plafond. La lumière si typique de l’Italie y entre, délicatement travaillée, jamais éblouissante. Les lieux vivent, à l’instar du panorama qui les entoure. Ici, au fond, le futur s’écrit avec le passé. Un passé compris, intégré, célébré, projeté, comme pour mieux prendre le temps de vivre au présent.
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Texte Maëlle Campagnoli – Photographe Gilles Trillard