Ils partagent tout ! Leur métier-passion et leur coup de crayon créatif. Et ce, depuis 20 ans. Carole et Fabrice Gibert, couple à la ville comme à la scène, ont pris de la hauteur pour concevoir leur lieu de résidence à leur image, mais pas que ! Fondateurs de l’agence d’architecture Archidomo, ils révèlent une partition à triple lecture.
À fleur de colline, cette villa de 350 m2 s’inscrit comme un belvédère étirant son cou architectonique sur la baie de Talloires, embrassant d’un seul regard le sommet de La Tournette, le massif des Bauges, Le Taillefer, Duingt, jusqu’à la pointe de l’Arcalod. Elle résume parfaitement les expériences respectives de Carole et Fabrice Gibert, acquises depuis les bancs de l’école d’architecture, où ils se sont rencontrés, tissant main dans la main leur vision bien à eux de la conception résidentielle. Haut-savoyards d’adoption, ils sont tombés sous le charme de la région il y a quelques années, hypnotisés par un lac qui aujourd’hui le leur rend bien. En 2018, ils dénichent cette parcelle divisée, à l’époque dissimulée sous un amas végétal. Le terrain ne trouvait pas d’acquéreur, dû à son accès difficile. Les gens avaient du mal à se projeter, confirme Fabrice. Il fallait donc bien l’intervention d’architectes pour dompter cette déclivité et révéler tout son potentiel.
Largement vitrée, pour mieux enserrer le paysage, cette maison affirme la culture archi du couple, mêlant intrinsèquement la conception au style de vie, ici dedans/dehors.
Comment ? Pour Carole une évidence : En appuyant la structure sur la colline, au plus haut de la pente. Notre but, nous dégager au maximum des habitations en contrebas pour se projeter dans le vide à la recherche du lac. À savoir, le PLU (Plan d’Occupation des Sols de l’époque), obligeait dans ce cas présent une pente de toiture supérieure ou égale à 50 %, ne dépassant pas 9 mètres au faîtage. Nous avons donc pris le parti de la verticalité, en diminuant au maximum la profondeur, pour que la hauteur du toit soit la moins pénalisante possible, en respectant la hauteur maximum imposée par le règlement d’urbanisme. Moins il y a d’empâtement au sol, moins la toiture remonte ! Logique ! Afin d’avoir une vision précise de leur future vue depuis chaque pièce, les architectes ont établis un plan 3D, via la topographie du terrain et les altitudes du lac.
Largement vitrée, pour mieux enserrer le paysage, cette maison affirme la culture archi du couple, mêlant intrinsèquement la conception au style de vie, ici dedans/dehors. Mais le plus étonnant demeure les principes constructifs employés, développés sur les trois niveaux. Le soubassement maçonné englobe les bureaux de l’agence et les pièces de jour, tout en servant de fondations et de murs de soutènement au terrain naturel. Tandis que le dernier étage, dédié à l’espace nuit, s’érige en ossature bois posée sur les murs en béton. À cela s’ajoute le système constructif du poteau poutre, apparent dans le salon. Il permet une composition en façade plus libre, animée par les matériaux et ces boîtes cantilevers, suspendues au toit, recherchant le panorama lacustre. C’était une réelle volonté, souligne Carole. Par nos éducations respectives, nous avons une appréhension transversale de notre métier. Nous avons capté le meilleur de chaque assemblage structurel pour générer des signes architecturaux plus forts. Mais il existe également une autre raison à cette mixité. Nous souhaitions montrer à nos clients ces différentes approches, pour qu’ils puissent, à travers cette maison-showroom, se projeter dans leur future réalisation.
Nous avons dû revoir les proportions originelles de la cuisine pour pouvoir intégrer l’îlot !
Cette villa témoigne également de leur maîtrise en matière d’architecture intérieure, jusqu’à la décoration. C’est un prolongement logique du dessin architectural, confirme Carole. Nous aimons concevoir des espaces séquencés liés structurellement et intimement à l’architecture marquée, afin de créer un tout. Avec des avancées qui articulent la façade sans la dénaturer. Ainsi, les perspectives filaires entièrement dévolues aux terrasses et à la vue affirment les points de vue de chaque pièce aux fonctions parfaitement affirmées, sans jamais être enfermées. Un dialogue qui s’opère également par les matériaux, deux parquets en chêne et un carrelage aspect béton, repris en bardage sur les façades, les claustras et en sous-face des porte-à-faux.
Notre but, nous dégager au maximum des habitations en contrebas pour se projeter dans le vide à la recherche du lac.
Si les matériaux appuient la linéarité de la maison, les luminaires techniques font le choix de la verticalité. Travaillée de manière millimétrique, ils participent à la connexion entre les niveaux, mais également à ce précieux lien dedans/dehors. L’usage du chêne nous interpelle. Pourquoi ce bois, peu employé en bardage ? Fabrice sourit : Lors d’une escapade à Turin, nous sommes tombés amoureux de l’îlot Aprile, designé par Piero Lissoni, trônant dans la vitrine du showroom Boffi. Pour l’anecdote, nous avons dû revoir les proportions originelles de la cuisine pour pouvoir l’intégrer ! Les façades graphiques en noyer américain, très douces et claires, nous ont naturellement orienté vers le choix d’un bois blond, légèrement blanchi. Carole poursuit : Je ne voulais pas d’un matériau trop cossu, mais d’un bois intemporel, de pair avec une maison reposante. En évoquant leur homonyme Piero Lissoni, nous examinons la sélection avertie de mobilier. Beaucoup sont dessinés par des architectes ! Là, les assises d’Antonio Citterio, ici le sofa Le Corbusier, un vase d’Alvar Aalto… Avec un penchant certain pour Patricia Urquiola, que l’on retrouve sur les chaises Husk et les salons de jardin. Je suis fan absolue ! confie Carole. Je suis pour un design pérenne qui, selon moi, perdure à travers un langage architectural. Tout est dit !
Nous aimons concevoir des espaces séquencés liés structurellement et intimement à l’architecture marquée, afin de créer un tout.
Photos : Studio Erick Saillet