Préserver le charme de l’ancien, le moderniser, sans le cristalliser dans l’ultra-contemporain. Tout en maintenant une cohérence… L’architecte d’intérieur Constance Berthier bouscule les conventions établies par cet appartement haussmannien, avec une pertinence, conceptuelle et chromatique, étonnante ! Rénovation à double lecture.
À travers une optimisation accrue des volumes, l’architecte d’intérieur a démultiplié l’horizon spatial de ces 105 m2 – destinés à un jeune couple, et à leurs futurs enfants – jusqu’à intégrer dans cette surface un studio annexe de 20 m2… Ressenti global 200 m2 ! Mais comment a-t-elle relevé ce défi ? En prenant un chemin de traverse.
Mon souhait était de mélanger les styles, les époques et les matières, loin du total look afin de ne pas figer les espaces !
Entrée en matière
Dans son jus depuis de nombreuses années, la structure angulaire de cet appartement haussmannien était loin d’être à son avantage ! Heureusement, la capacité de projection de Marie et Vincent leur a permis d’entrevoir les possibilités. Immédiatement, ils ont fait appel à l’architecte d’intérieur Constance Berthier (BC Ateliers) pour mettre en musique leurs aspirations de vie. C’est très agréable d’évoluer main dans la main avec des clients qui vous suivent à 100 % hors des sentiers battus, commence l’architecte d’intérieur. J’ai ainsi pu proposer une nouvelle lecture, plus contemporaine, sans se départir de l’ancien – bien au contraire ! – et insuffler une identité décalée et assumée. Deux atmosphères se dévoilent : la première – définie par l’architecte d’intérieur comme la colonne vertébrale de l’appartement – prend forme sur un podium longiligne contemporain. Ce dernier, accueillant les parties techniques (cuisine, rangements et salle de bains) crée le lien entre les espaces et dynamise, tout en contraste, le lieu. Cette astuce conceptuelle permet à la master suite et au salon/salle à manger de faire le grand écart, d’assoir leurs volumes généreux et d’assumer pleinement leur legs haussmannien. L’ensemble réuni par la maîtrise millimétrique du dessin, au profit d’usages différents et d’une forte personnalité. Derechef, l’entrée en témoigne, s’ouvrant sur une perspective pour le moins étonnante : la cuisine, réveillée par un bleu-vert hypnotique.
L’ensemble de l’appartement a été travaillé en plan libre, avec seulement trois portes ! Les lieux se suivent mais ne se ressemblent pas…
Cette entrée, entièrement reconstituée, se matérialise par ce linéaire de rangements et ce renfoncement dessinés par l’architecte d’intérieur. C’est tellement plus confortable d’avoir une entrée fonctionnelle ! souligne Constance. En lien avec la cuisine, je voulais lui donner une vraie dimension architecturale, marquée par le grès cérame imitation marbre Saint Laurent et le panoramique, dont le choix à donner naissance à cette teinte soutenue. Perpendiculaire, l’espace culinaire magnétise les regards avant de s’étirer avec ingéniosité le long du couloir reliant le salon au coin nuit. Raison pour laquelle, Constance a optimisé chaque module, favorisant un dessin esthétique. À mon sens, il fallait éviter le cliché des meubles colonnes et des rangements hauts traditionnels. J’ai donc conçu un agencement sur-mesure, en partie caché, qui s’apparente davantage à un meuble décoratif de par sa chromatique, à l’instar de la banquette. Cela permet de maîtriser les perspectives et de les alléger. Ainsi les modules en chêne imposent leur sens de la circulation et nous conduisent directement vers le salon. À savoir, poursuit Constance, l’ensemble de l’appartement a été travaillé en plan libre, avec seulement trois portes ! Les lieux se suivent mais ne se ressemblent pas…
Chaque espace de vie propose des œuvres : sous forme de tableaux ou de paysages panoramiques.
Tout en échos
Mon souhait était de mélanger les styles, les époques et les matières, loin du total look afin de ne pas figer les espaces ! confie Constance. Ainsi travaillée, cette réalisation affirme ses ambitions : réconcilier le contemporain avec l’ancien, tout en créant un décor unique propre au lieu pour mieux fuir la facilité ! À l’extrême opposé, le salon/salle à manger et la suite parentale, aux chromatiques épurées, s’épanouissent pleinement et renouent avec leur héritage, laissant la part belle aux œuvres et à la lumière naturelle. Ils se répondent subtilement par leur parquet restauré, l’un aux motifs Versailles, le deuxième en version point de Hongrie, tous deux révélés en soulevant la moquette d’origine. Mais pas que !
La nouvelle disposition des lieux impose de traverser la salle de bains pour accéder à la chambre parentale !
Ici, chaque détail entre en résonance. Tout est une question de fil conducteur, souligne Constance. L’intégration du marbre vient de la cheminée imposante, préservée dans la suite parentale. J’ai opté pour un veinage marron afin de faire le lien avec le parquet. Les touches de laiton, sur la robinetterie ou encore les luminaires ont été impulsées par le miroir Art déco de la master suite, retrouvé en l’état, mais également par la suspension des propriétaires flottant au-dessus de la table de repas. Et les ouvertures cintrées ? La nouvelle disposition des lieux impose de traverser la salle de bains pour accéder à la chambre parentale ! Pour assumer entièrement cette « inversion », j’ai pris le parti de créer cette arche : une transition tout en douceur entre le contemporain et l’ancien. Ce motif cintré, repris sur la tête de lit, les luminaires ou encore dans certains éléments du studio, fait écho à la porte voûtée originelle du living, menant à la chambre d’enfants, en devenir...
Photos : ©Sabine Serrad